L'historien d'art allemand Aby Warburg a constitué une immense bibliothèque privée, dans laquelle il a installé son Atlas "Mnémosyne" : un assemblage de centaines d'images qui creusent la mémoire, les formes et les représentations.
Aujourd'hui une expérience singulière de connaissance, avec la vie et de l'œuvre d'un homme né en 1866 et mort en 1929 : l'historien d'art allemand Aby Warburg, resté célèbre pour avoir posé les bases d’une forme de savoir sur les images et par les images : l'iconologie.
Spécialisé dans la Renaissance italienne, et issu d'une famille de banquier, Aby Warburg achète et accumule systématiquement à partir de l'année 1900, un grand nombre de livres. Jusqu'à constituer une des plus vastes collections d’ouvrages jamais réunie dans une bibliothèque privée. La bibliothèque d'Aby Warburg finira par enregistrer le nombre colossal de plus de 60 000 volumes. Toutes les disciplines se côtoient sur ses rayonnages et les livres sont rangés selon un ordre original, et thématique. La bibliothèque de Warburg est l'une des grandes œuvres de sa vie, un objet de savoir encyclopédique et unique. Elle a été transférée dans son intégralité en Angleterre en 1933, en pleine montée du nazisme. On raconte que deux bateaux furent nécessaires pour assurer le transport de tous ces livres. La bibliothèque est aujourd'hui devenue le Warburg Institute, à Londres, et on peut le visiter.
Néanmoins, le travail de connaissance de Warburg ne s'arrête pas là. Après la première guerre mondiale, il est atteint de schizophrénie, et soigné par le psychanalyste Ludwig Binswanger. A partir de 1924, il inaugure, en parallèle et au milieu de sa bibliothèque, un vaste projet de connaissance par les images. Il donne à ce chantier le nom d'un géant de la mythologie antique auquel il associe le nom de la muse de la mémoire : l'Atlas Mnémosyne.
L'Atlas Mnémosyne se présente physiquement comme un ensemble de grandes planches de bois sur lesquelles on a tendu un textile noir, et sur lequel Aby Warburg punaisait des reproductions photographiques d'œuvres d'art. Et il en punaisait beaucoup.
Les presque 80 planches de l’atlas disposent et organisent des centaines d'images : beaucoup de tableaux, de fresques ou de sculptures de la Renaissance et de l'Antiquité, mais aussi des représentations de foies divinatoires étrusques, des photos d'actualité, des cartes du monde ou du ciel. Les époques, les styles et les formes s'entrechoquent sur les planches de l'atlas, et dessinent de nouveaux rapports, de nouvelles lignes de connaissance. Tout un travail de la mémoire des images se trouve ainsi exposé.
Les planches de Mnémosyne sont organisées selon des sortes de "thématiques" qui brisent les classements canoniques du savoir. On trouve par exemple des planches sur ce que Warburg appelait des "formules de pathos", soit des expressions visuelles de douleur ou de victoire, qui trouvent plusieurs traductions dans différentes images d’époques diverses. L'historien d'art identifie alors comment des formes ont persisté de l’Antiquité à la Renaissance. Dans une introduction à son atlas, Warburg écrit :
Mnémosyne propose avant tout un inventaire des préfigurations antiques ayant contribué, à l'époque de la Renaissance, à forger le style de la représentation de la vie en mouvement.
Malheureusement l'œuvre en mouvement Mnémosyne restera inachevée. Aby Warburg meurt en 1929, avant d'avoir pu composer les écrits qui devaient accompagner son installation visuelle. L'atlas est resté en partie muet, et laissé aux mille interprétations de ce qui se passe entre les images.
On peut feuilleter L'Atlas Mnémosyne aux éditions L'écarquillé
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