"Le Pouce" de César à la Défense, une œuvre impériale ?

"Le Pouce" de César, sur la place Carpeaux à la Défense en 2020
"Le Pouce" de César, sur la place Carpeaux à la Défense en 2020 ©AFP - Christophe ARCHAMBAULT
"Le Pouce" de César, sur la place Carpeaux à la Défense en 2020 ©AFP - Christophe ARCHAMBAULT
"Le Pouce" de César, sur la place Carpeaux à la Défense en 2020 ©AFP - Christophe ARCHAMBAULT
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En plein cœur du quartier de La Défense, on trouve une œuvre monumentale du sculpteur César : une reproduction de son pouce de 12 mètres de haut, et lourde de 18 tonnes.

Le site de la Défense tire son nom d'une statue allégorique La Défense de Paris, construite sur le site à la fin du 19ème siècle. Mais c'est une autre sculpture qui intéresse la Pièce Jointe aujourd'hui. Elle est située à côté du Centre des Nouvelles Industries et Technologies (CNIT), sur la place Carpeaux, en plein centre de la Défense, sur le territoire de la ville de Puteaux.
 

La statue mesure 12 mètres, soit une hauteur considérable, et pèse 18 tonnes, soit un poids considérable. Elle est faite du matériau noble et officiel des statues classiques : le bronze. Mais que représente-t-elle ?
 

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César dans l'émission "A voix nue" en 1997

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C'est donc un grand pouce, un très grand pouce, un pouce géant et tendu droit, que l'on peut voir à la Défense. Elle est l'œuvre de la voix que l'on vient d'entendre le sculpteur César Baldaccini, plus connu sous le nom raccourci de César. Artiste rendu célèbre par ses compressions, et par toute une série d'œuvres urbaines à caractère plus ou moins officiel. Elle a été érigée sur le site de la Défense en 1994.
 

Alors, ce n'est pas le seul pouce de César en France. On en trouve à Nice, à Marseille, ou au Plessis-Robinson... mais aussi à Coblence en Allemagne, à Washington et en Arabie Saoudite... Des pouces poussent partout.
 

César devant une version du "Pouce" en marbre de Carrare, à Carrare en 1979.
César devant une version du "Pouce" en marbre de Carrare, à Carrare en 1979.
© AFP - RALPH GATTI

L'idée du pouce  émerge au milieu des années 60, quand César se prend de passion pour les techniques de moulage, d'impression, et d'agrandissement par expansion. Très concrètement et simplement, les statues sont toutes des moulages agrandis de son propre pouce. 

Mais le pouce de la Défense, celui de la place Carpeaux, a pour particularité d’être le plus grand de toute la série des pouces. Érigé vers le ciel, il provoque un sentiment de gêne particulier, celui que l'on peut éprouver en regardant une partie du corps ou une peau ridée de très près. Cette statue, même chez les esprits non excessivement tordus, a évidemment fait penser à un symbole phallique. On raconte même qu’il aurait choqué les passants de Puteaux, et les hommes d’affaire du quartier d’affaire... 

L’œuvre représente un comble de l'égocentrisme et de l'hubris artistique : une manière de figer et de conserver une partie de son corps. Quand on s’approche de la statue, on remarque que tous les détails de la peau de l'artiste jusqu’à son empreinte digitale sont reproduits, et imprimés dans le bronze pour l’éternité. Enfin, l'éternité pas tout à fait, puisque le bronze n'est pas impérissable, et que la statue a déjà été rénovée en 2015.
 

César puise avec son Pouce dans la tradition de l'histoire de l'art, celle des mains de Rodin ou de Picasso, auquel il souhaite se comparer. Plus prosaïquement, son œuvre évoque le pouce que le peintre tend pour mesurer le motif qu'il est en train de peindre. Sur la place Carpeaux, si l’on se place « côté ongle » (pour ainsi dire), on a l’impression que le pouce de César sert à mesurer la tour Séquoia qui lui fait face, et qui abrite aujourd’hui l'entreprise SFR.

Le monument peut tour à tour faire penser au pouce que l'on dresse pour interrompre un jeu, dans une cour de récréation, ou à celui que l'on tend pour dire que tout va bien. Il rappelle enfin celui qui sert à valider une décision, celui de l'empereur romain qui accorde la vie aux gladiateurs victorieux dans l'arène. Et donc à celui des Césars, la lignée des empereurs romains, qui portent le même nom que le sculpteur, et l'on se rend compte que l'œuvre est aussi un jeu de mot.
 

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