Le train de (la) vie : un des maux de Tony Soprano

Tony Soprano (James Gandolfini) au centre de son gang, dans "les Soprano"
Tony Soprano (James Gandolfini) au centre de son gang, dans "les Soprano" ©Getty - Hulton Archive
Tony Soprano (James Gandolfini) au centre de son gang, dans "les Soprano" ©Getty - Hulton Archive
Tony Soprano (James Gandolfini) au centre de son gang, dans "les Soprano" ©Getty - Hulton Archive
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La série "Les Soprano" fait se rencontre la mafia et la psychanalyse de la côte Est des États-Unis. Une des toutes premières scènes du grand récit met des mots sur l'un des problèmes de Tony Soprano : la peur d'avoir raté le train de la vie.

Faire se rencontrer le monde du crime organisé de la côte Est américaine et le cabinet d'une psychanalyste. C'est la collision orchestrée par une série mythique de la fin des années 1990, "les Soprano" de David Chase.
 

Elle met en scène Tony Soprano, à la ville : irréprochable gérant d'une entreprise de traitement des déchets dans le New Jersey, père de famille, résident et propriétaire d'une grande maison avec piscine. Mais dans l'univers souterrain, Tony Soprano est le "capo" redouté d'une bande de mafieux italiens qui s'adonnent joyeusement à l'extorsion, au recel, au meurtre, aux larcins en tous genres, et à toutes sortes de péchés que la loi réprime, que l’Église romaine condamne et que l'inconscient refoule.
 

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Un jour, Tony ne peut plus mener à bien l'exercice de son mandat criminel, des crises le bloquent. Tony s'effondre. Il est donc envoyé en analyse dans le cabinet du Dr. Jennifer Melfi, une italo-descendante, comme Tony.
 

Le cycle des Soprano a été archi commenté. La série soulève des paradoxes passionnants : la question du secret, que partagent la mafia et la psychanalyse. Le remplacement du prêtre du Parrain par une thérapeute. Son traitement de la brutalité et de la violence de l'inconscient etc. La fiction de David Chase permet aussi la rencontre esthétique de deux genres cinématographiques et new-yorkais distincts avant elle : le film mafieux et la fiction analytique. Scorsese rencontre le Woody Allen des années 80, et qu'ont-ils à se dire ?

On écoute l’extrait de la première séance de psy.  

Les séances entre le Docteur Melfi et Tony Soprano sont souvent décevantes pour les deux. Dès la première rencontre, le mafieux réponds principalement à la psy : "je ne sais pas... je ne sais pas... je ne sais pas"
 

On vient d'écouter un extrait du début de l'épisode 1 de la saison 1 des Soprano, soit le tout début du grand cycle. Nous assistons à la première rencontre entre Tony et le Dr Melfi. 

Tony affrontera une succession de grandes questions personnelles dans le cabinet de la psychanalyste. Mais, dans cet extrait, il aborde l’une des causes de son mal, un trouble collectif et difficile à nommer : le sentiment d'arriver trop tard. Celui d'avoir raté le train de la vie. Le problème peut paraître aujourd'hui décalé : Tony Soprano, en cette fin des années 90, baigne dans l'opulence, et dans ce qui nous apparait désormais comme les paisibles années Clinton.
 

Mais le train de vie ne fait pas le train de la vie. Tony souffre d'une espèce de déclassement de sa génération par rapport à celle de son père, et qui n’est pas économique. Et le docteur Melfi ajoute : c'est le cas de nombreux américains aujourd'hui. Il est intéressant de voir que c'est la psychanalyste qui met le doigt sur une dimension nationale du mal. Arriver trop tard n'est pas qu'une lubie personnelle et propre au capo Tony Soprano : tout un peuple serait en proie au mal de n’avoir pas pris le train de la vie.
 

Au seuil de la série, on trouve donc cette réflexion sur le déclin, celui du pouvoir mafieux sûrement, celui de l'Empire Amérique peut-être. Et c'est ce déclin qui annonce, entre autres, la crise et l'effondrement de Tony Soprano.
 

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