Ovide, poète exilé du jeune empire romain

Statue d'Ovide à Sulmona, dans les Abruzzes
Statue d'Ovide à Sulmona, dans les Abruzzes ©Getty - ROMAOSLO
Statue d'Ovide à Sulmona, dans les Abruzzes ©Getty - ROMAOSLO
Statue d'Ovide à Sulmona, dans les Abruzzes ©Getty - ROMAOSLO
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En l'an 8 de notre ère, un édit de l'empereur Auguste ordonne l'exil du poète Ovide, auteur des "Métamorphoses" et de "l'Art d'aimer". Pourquoi ? Les raisons de cette décision demeurent aujourd'hui obscures.

— Insatiablement avide                
De l’obscur et de l’incertain,                
Je ne geindrai pas comme Ovide                
Chassé du paradis latin.

C'est la seconde strophe d' "Horreur Sympathique", un court poème des Fleurs du mal de Charles Baudelaire. Il évoque Ovide, le poète des débuts de l'empire romain, né à la charnière du premier siècle, et actif sous le règne d’Auguste.
 

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Ovide est célèbre pour ses Métamorphoses, un livre qui entreprend de raconter en quinze chants l'histoire et les âges successifs du monde, depuis sa genèse. Un récit fait de transformations successives, où les femmes et les hommes changent d'apparences, deviennent des grottes ou des fleurs, des animaux ou des choses. Tout a changé et tout change tout le temps, et les vers d'Ovide contiennent un déluge de récits, et assemblent, dans un nouvel ordre, toutes les figures de la mythologie.
 

A la fin des Métamorphoses, au chant XV, il est question de César, Ovide le décrit en ces termes :
 

Voyons, est-il plus beau d'avoir dompté les bretons sur les mers                
D'avoir poussé ses vaisseaux victorieux jusqu'au fleuve                
Aux sept embouchures, le Nil fertile en papyrus, d'avoir ajouté                
Au peuple de Quirinus les Numides rebelles, Juba du Cinyps                
Le Pont si fier du nom des Mithridates, d'avoir mérité                
De si nombreux triomphes et d'en avoir célébré quelques-uns                
Que d'avoir engendré un tel homme ? En faisant de lui le maître du monde                
Dieux du ciel, vous avez fait au genre humain une immense faveur.                
Donc, pour que celui-ci ne fut pas né d'une semence mortelle,                
Il fallait que celui-là devînt dieu.                
 

Gloire à César, l'homme-dieu, et père d’Auguste ! Je viens de lire un extrait de la traduction des Métamorphoses par Danièle Robert, publiée chez Actes Sud. Dans les vers du poète, on entend l’immense exaltation du fondateur de l'Empire. Cependant, léger problème, Ovide décrit César comme le père d'Auguste, alors que ce dernier n'est que le petit-fils de la sœur de César. Il ne serait pas interdit de voir de l'ironie dans cet écart, et de l'outrance dans ces vers qui dessinent un éloge peut-être un peu trop appuyé de l'empereur.
 

En savoir plus : Quel avenir pour Ovide?
Poésie et ainsi de suite
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En l'an 8 de notre ère, Auguste a officiellement ordonné par un édit, la relégation du poète hors de la cité romaine. Ovide, est condamné à l'exil vers l'est, et ses œuvres sont interdites de publication dans l'enceinte de la ville. On l'assigne à résidence dans la ville de Tomis, en Scythie mineure, l'actuelle Constanța, en actuelle Roumanie.
 

Pourquoi Ovide a été, pour reprendre les mots de Baudelaire, "chassé du paradis latin" ?
 

On ne sait pas. Les raisons de cet exil demeurent à ce jour encore mystérieuses. Des hypothèses ont été proposées, comme la publication de L'Art d'aimer, œuvre que l’empereur aurait jugé licencieuse.
 

À Tomis, Ovide continue d'écrire. Il compose les recueils des Tristes et des Pontiques, poèmes de lamentations et de nostalgie. L'exil d'Ovide a fait date dans l'histoire de la poésie mondiale. Avant Victor Hugo à Guernesey, et Mahmoud Darwich n'importe où hors de la Palestine, Ovide a connu et chanté l'éloignement du pays natal, et fait de l'exil la matière même du chant.

Musique : Saåad, Prepared Oasis