

La collection littéraire, historique et mythique de la "Pléiade" fut à l'origine l'idée et l’œuvre de l'éditeur Jacques Schiffrin. Un livre récent d'Amos Reichman retrace sa vie et ses exils, de Bakou à New-York, en passant par Paris.
Jacques Schiffrin nait en 1892 dans une famille juive de Bakou, cité de l'actuel Azerbaïdjan, et à l'époque de l'ancien Empire russe, il s'installe en France dans les années 20. Il fréquente là une curiosité locale : le milieu littéraire et artistique parisien de l'entre-deux guerres, celui de Gide, de Peggy Guggenheim, et de Roger Martin du Gard… C’est à Paris qu’il conçoit et rend possible un désir : celui de créer de nouveaux livres.
En 1923, Jacques Schiffrin fonde une maison d'édition qui deviendra en 1931 une collection historique et mythique. Il lui donne le nom d'une cohorte de poètes russes du 19ème siècle qui fait échos à une autre cohorte de poètes français : la pléiade.
Avec cette "bibliothèque", Schiffrin souhaite mettre à la disposition du grand public, dans un format maniable, les monuments de la littérature mondiale. Il veut démocratiser la qualité, la pléiade ne se présentant pas à l'origine comme une édition luxueuse, mais bien comme une collection destinée au plus grand nombre : "le Proust de la pléiade, par exemple était moins cher que la totalité des volumes en édition ordinaire" rappelle André Schiffrin.
Et l'idée prend. La collection de Jacques Schiffrin répond aux attentes des hommes pressés d'une moderne entre-deux guerre. Le livre peut désormais circuler avec ses lecteurs. Il trouve également sa place dans les appartements inextensibles de la bourgeoisie intellectuelle. La critique est unanime.
On vient d'écouter deux extraits du livre Jacques Schiffrin, un éditeur en exil, une biographie du trop peu connu fondateur de la pléiade, écrite par Amos Reichman, et publiée au Seuil.
On y apprend ainsi qu'à son origine la Bibliothèque de la Pléiade n'a rien de la pompe qui lui est actuellement attribuée. Les livres de la collection obéissent au strict et avant-gardiste format poche, qui permet à la fois le transport, et la réunion de plusieurs livres en un seul. La collection fait partie de ses objets dont l'aspect pratique a muté en produit de luxe, par une ironie de l'histoire. La modestie de Schiffrin, est désarmante, il décrit ainsi sa révolution éditoriale : "Il ne faut pas m'attribuer plus de mérites que je n'en ai eus dans cette affaire. J'ai beaucoup voyagé : ce sont les Anglais et les Allemands qui m'ont fait penser à réaliser en France ce qui leur réussissait si bien. Mais comme toujours lorsqu'il s'agit d'une nouveauté, j'ai dû vaincre bien des résistances."
En 1933, la Pléiade de Jacques Schiffrin est absorbée par la maison Gallimard, et l'éditeur devient directeur de collection. Il y publie entre autres Baudelaire, Edgar Poe et, de son vivant, André Gide.
Mais la vie de Jacques Schiffrin est percutée par la violence de l'histoire, et le livre d'Amos Reichmann raconte le basculement dans la guerre et l'Occupation. En 1940, une lettre de Gaston Gallimard exclut Jacques Schiffrin de la maison d'édition, appliquant par là une mesure de l'occupant nazi ordonnant à toutes les maisons d'édition de se séparer de leurs employés juifs. Après une période d'errance dans la dite "zone libre" et l'intercession d'André Gide, Schiffrin s'exile pour les Etats-Unis. Il ne rentrera jamais en France avant sa mort, en 1950.
Il fonde à New-York, dès 1942, la maison « Pantheon Books » que reprendra son fils, l'éditeur franco-américain André Schiffrin.
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