Lundi 25 octobre 2021, l’armée soudanaise a arrêté plusieurs dirigeants politiques dont le premier ministre en place. Ce dernier a appelé la population à protester, l’armée a tiré sur les manifestants. L’état d’urgence a été décrété.
- Anne-Laure Mahé Fellow au département de méthodologie de la London School of Economics et chercheuse associée au Centre d'étude et de documentation économique, juridique et sociale de Khartoum (CEDEJ)
Le Soudan face à un coup d’Etat. Lundi 25 octobre 2021, l’armée soudanaise a arrêté plusieurs dirigeants politiques dont le premier ministre en place. Ce dernier a appelé la population à protester, l’armée a tiré sur les manifestants. L’état d’urgence a été décrété. Cette prise de pouvoir par les militaires a suscité beaucoup de réactions à l’échelle internationale. Condamnant ce coup d’Etat, le secrétaire général de l'ONU a réclamé la libération « immédiate » du Premier ministre Abdallah Hamdok. Que s’est-il passé ?
Guillaume Erner reçoit Anne-Laure Mahé, chercheuse Afrique de l’Est à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM).
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Le résultat d'une escalade
Armée et gouvernement civil se partageaient le pouvoir depuis 2019. Pourquoi les militaires ont-ils entrepris ce coup d’Etat hier ?
A priori, c'est le résultat d'une longue escalade de tensions entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire. Depuis quelques mois, on avait des désaccords très publics, notamment au sein d'une institution qui s'appelle le Conseil souverain, mise en place en 2018. Certains membres civils avaient publiquement critiqué les militaires. On avait aussi des divisions au sein des civils puisqu'en fait, lors de la révolution, on avait une coalition rassemblant toutes les forces qui s'était mise en place et qui était très divisée. Aujourd'hui, on voit le résultat de cette escalade.
Comment pourrait se poursuivre cette escalade ?
C'est difficile à dire pour le moment, puisqu'on ne sait pas très bien ce que visent exactement les militaires, à part peut-être de retarder certains moments de la transition démocratique. On dirait qu'ils jouent la montre, car ils devaient passer la main aux civils dans le Conseil souverain. Normalement, une assemblée législative devait aussi se mettre en place. Cela donne l'impression qu'on fait le coup d'Etat et que l'on revient en arrière.
Les militaires responsables du putsch
Qui sont les militaires responsables du putsch ? Y a-t-il une faction qui en serait responsable ou bien y a-t-il une cohésion de l'armée face à cette transition ?
Ce qu'on sait, c'est que l'armée régulière et la principale force paramilitaire du pays sont assez unifiées, puisqu'elles ont l'air d'avoir agi de concert hier. Cela étant dit, on a eu plusieurs rumeurs de coup d'Etat depuis deux ans : il y a peut-être des factions dans l'armée qui restent fidèles à l'idéologie de l'ancien régime islamiste. Mais c'est un appareil sécuritaire qui est unifié dans un même but : conserver le pouvoir.
Le rôle des pays voisins
Et alors quel est le rôle de l'Egypte ou bien d'autres pays environnants, dont on suppose qu'ils pèsent dans les manœuvres en cours ?
On sait que depuis la révolution, les militaires sont soutenus par l'Egypte et les Emirats arabes unis. Ce sont des gens qui sont très bien connus par les pays du Golfe. Mais quelle est la nature exacte de cette influence ? Cela, on ne peut qu'en faire l'hypothèse. Les acteurs soudanais ont une capacité d'action qui reste indépendante.
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