Comment interpréter le niveau record des dépenses militaires mondiales en 2021 ?

Photo d’un rafale prise sur le porte-avions Charles-de-Gaulle le 25 mars 2002 à La Canée en Grèce.
Photo d’un rafale prise sur le porte-avions Charles-de-Gaulle le 25 mars 2002 à La Canée en Grèce. ©AFP - THEOPHILE BLOUDANIS
Photo d’un rafale prise sur le porte-avions Charles-de-Gaulle le 25 mars 2002 à La Canée en Grèce. ©AFP - THEOPHILE BLOUDANIS
Photo d’un rafale prise sur le porte-avions Charles-de-Gaulle le 25 mars 2002 à La Canée en Grèce. ©AFP - THEOPHILE BLOUDANIS
Publicité

En matière de dépenses militaires ce sont pas moins de 2 113 milliards de dollars qui ont été dépensés durant l'année 2021. Il s'agit là d'un niveau record de dépenses. Comment l'expliquer ? Que traduit-il de l'état du monde ?

Avec
  • Samuel Faure Maître de conférences en science politique à Sciences Po Saint-Germain en Laye, chercheur associé au laboratoire Printemps (Université Paris-Saclay, CNRS)

L’année 2021 signe l’année de tous les records en matière de dépenses militaires, à l’échelle mondiale : 2 113 milliards de dollars dépensés, l’équivalent de 2,2% du PIB mondial selon un rapport publié lundi 25 avril 2022 par l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (le Sipri, institut indépendant de référence en la matière). Comment expliquer ce niveau sans précédent des dépenses militaires ? Que révèle-t-il sur l’état du monde et les tensions géopolitiques ?

Guillaume Erner reçoit Samuel Faure, maître de conférence à Sciences Po Saint-Germain en Laye, chercheur associé au Laboratoire CNRS/Printemps, auteur notamment de l’ouvrage « Avec ou sans l’Europe. Le dilemme de la politique française d’armement », éditions de l’Université de Bruxelles.

Publicité

Vous pouvez écouter l’interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.

Une augmentation record antérieure à la guerre en Ukraine

Les 2 100 milliards de dollars de dépenses militaires en 2021 équivalent au PIB du Canada, la dixième puissance économique mondiale, nous apprend Samuel Faure. "La tendance en matière de dépenses militaires est à la hausse depuis quelques années déjà, malgré une pause il y a une dizaine d’années avec la grande récession. L’annexion de la Crimée, la série d’attentats djihadistes et la guerre en Ukraine en sont les grands déterminants".

Samuel Faure explique que, depuis ces vingt dernières années, l’Asie (la Chine en particulier) a plus augmenté ses dépenses militaires que l’Europe. "Le leader incontesté reste les Etats-Unis : les dépenses militaires américaines représentent près de 40% des dépenses mondiales, soit 800 milliards sur les 2 100 milliards de dollars pour 2021".

Vers une mutualisation des dépenses européennes ?

"La question qui se pose, explique Samuel Faure, est de savoir si les Européens vont continuer d’assumer ces dépenses militaires chacun de leur côté ou s’ils vont vouloir les coordonner davantage ou même les mutualiser". Le FEDef - le Fond européen de défense - créé en 2018, est un instrument financier dans les mains de la Commission européenne et en particulier du commissaire français Thierry Breton en charge de la direction générale des défis et de l’industrie de la défense.

Au sein de l’Union européenne, la politique de défense, comme la politique extérieure, est dirigée suivant une méthode intergouvernementale : les états membres dirigent le conseil européen et le conseil des ministres de l’Union européenne dont la France a la présidence jusqu’à la fin du mois de juin de cette année 2022.

"Les décisions pour développer des forces armées et déployer des opérations militaires à l’extérieur de l’Union européenne sous le drapeau étoilé sont prises par les États membres et la Commission européenne ou le Parlement européen n’ont pas de compétence en la matière".

Le conseil européen

"La défense, comme la politique étrangère, c’est le cœur de la souveraineté nationale", affirme Samuel Faure. "Les États, quand bien même le chef d’état peut être considéré pro-européen comme Emmanuel Macron, ne vont pas partager cette souveraineté et leurs compétences de manière évidente". Il sera intéressant pour le chercheur de voir ce qui sera discuté lors du prochain Conseil européen exceptionnel de la fin du mois de mai (2022) et qui prolongera les enjeux soulevés un mois et demi avant à Versailles lors du précédent Conseil européen sur ces questions.

"L’une des grandes leçons stratégiques est qu’aujourd’hui en 2022 sur le territoire européen, une seule alliance interétatique peut nous protéger d’une menace extérieure comme la Russie de Vladimir Poutine, l’alliance atlantique. Il faudra articuler dans une perspective de complémentarité stratégique et politique, l’OTAN avec les outils de l’Union européenne".

L'équipe