Un patient atteint d’une paralysie des jambes depuis 10 ans peut désormais marcher… Cet exploit a été rendu possible grâce à une interface cerveau-machine, reconnectant le cerveau et les muscles après une lésion de la moelle épinière, conçue par des équipes de scientifiques français et suisses.
- Henri Lorach chef de l’unité d’interface cerveau-épine dorsale chez Neurorestore
Reconnecter le cerveau et les muscles
"Le patient a joint notre étude en 2021", rappelle Henri Lorach, chef de l'unité d'interface cerveau-épine dorsale chez Neurostore. "Il a été implanté avec un dispositif au niveau de son cortex moteur, c'est-à-dire là où les signaux d'intention motrice sont générés. On a implanté un tel dispositif sous sa lésion dans la région de la moelle épinière qui contrôle la marche, et on a réussi à reconnecter les intentions motrices que l'on décode au niveau du cerveau avec la stimulation électrique de la moelle épinière", précise le spécialiste.
Il précise que : "l'on demande au patient d'imaginer des mouvements lorsqu'il est dans une machine que l'on appelle un "magnétoencéphalographie" et qui permet de localiser les zones les plus importantes lorsqu'il pense à faire des mouvements des jambes. C'est un acte de planification qui nous confirme la localisation dans laquelle il faut implanter. Henri Lorach ajoute que "la question était : combien d'entraînement faut-il au patient pour arriver à générer ces signaux et à apprendre à utiliser le système ?". Résultat : "en quelques minutes, notre algorithme, donc notre intelligence artificielle a réussi à détecter les signaux cérébraux corrélés aux différents mouvements, donc c'est un processus qui a été finalement assez rapide".
Quels sont les progrès à faire ?
Quelles sont les évolutions attendues ? "Pour le moment, un ordinateur sert à effectuer le décodage des intentions et à programmer les commandes que l'on va envoyer au stimulateur, rappelle Henri Lorach. Mais tous les algorithmes que l'on utilise pourraient être intégrés au sein des implants eux mêmes, ce qui permettrait de se passer d'ordinateur et d'avoir un système complètement autonome".
Par ailleurs, dans le cadre de cette expérience et des technologies utilisées, il faut conscientiser le mouvement, le décomposer. Que manque-t-il pour que le mouvement deviennent un réflexe ? "Au cours des six mois qu'il a passé avec nous, le patient ne pensait plus à marcher, c'est-à-dire qu'au bout d'un certain moment, cela devient naturel, indique le spécialiste. Donc la marche est pour ainsi dire rétablie. Mais l'on est encore au début, souligne Henri Lorach, fonctionnellement, il est capable de marcher 100 mètres, 200 mètres avec l'aide d'un déambulateur, ce qui lui permet de faire les tâches fonctionnelles de la vie de tous les jours".
Le chef de l'unité responsable de cet innovation ajoute qu'"il y a une limite dans la finesse des mouvements que l'on est capable de décoder au niveau du cerveau. Donc, il faudrait que l'on soit capable de décoder des mouvements de plus en plus fins". Il ajoute qu'"au niveau de la stimulation de la moelle épinière, à l'heure actuelle, on dispose de seize électrodes sur notre stimulateur, ce qui, grossièrement, nous permet d'accéder aux fonctions de seize muscles différents. Ce qu'il nous faudrait, c'est avoir des stimulateurs avec une soixantaine d'électrodes pour activer chacun des muscles qui sont nécessaires pour une fonction naturelle".
Merci à Henri Lorach pour ses précieuses explications.
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