La Belgique prévoit le retour de Syrie d’enfants de djihadistes, mais refuse de rapatrier leurs mères. Le pays semble douter de ses capacités à les réintégrer dans le pays.
- Marie Peltier Historienne, chercheuse et enseignante
Alors qu'Emmanuel Macron doit dévoiler aujourd'hui à Mulhouse son plan de lutte contre le communautarisme en vue de combattre le "séparatisme islamiste", où en est la Belgique sur cette question ? Bruxelles a été un des terrains de la radicalisation islamiste en Europe. La Belgique est confrontée aujourd'hui, comme la France, à la question du retour des djihadistes partis combattre en Syrie, et de leurs familles. Pour en parler, nous recevons Marie Peltier, historienne, chercheuse et enseignante à la Haute école Galilée de Bruxelles, auteure de "Obsession : dans les coulisses du récit complotiste", éd. Inculte, 2018.
Retour des djihadistes : quelle est la position du gouvernement belge ?
"L'approche est plutôt à l'abandon de ces combattants et de leurs familles, de les laisser là où ils sont, en l'occurrence en Irak principalement. Ce qui pose évidemment question en termes de défense des droits humains. Je pense spécialement au sort des enfants, qui sont évidemment belges, et qui n'ont pas choisi leur destin." Marie Peltier
Une question qui fait débat en Belgique
"Il y a eu plusieurs tribunes dans la presse d'intellectuels, de chercheurs, d'enseignants, de personnes engagées dans la vie associative pour rappeler que si on renie nos propres fondamentaux, on ne peut pas non plus exiger d'autres personnes de les respecter." Marie Peltier
Peut-on parler d'un "séparatisme islamiste" comme le fait Emmanuel Macron ?
"Cela me fait sourire en tant que Belge. Parce qu'en Belgique, on parle beaucoup de séparatisme. Ce n'est pas pour parler de la question de l'islamisme, mais on parle plutôt des questions communautaires entre les Flamands et les francophones. On parle beaucoup du séparatisme flamand, donc je suis un peu étonnée qu'on applique le même concept à cette question." Marie Peltier
"Ce qui me dérange aussi, c'est qu'on y accole l'adjectif islamiste parce que c'était un adjectif qui est très finalement nébuleux, multi sémantique. Est-ce que le terrorisme et l'islamisme c'est la même chose, par exemple? De quoi parle-t-on parle exactement quand on parle de séparatisme islamiste ?" Marie Peltier
"Quand on désigne des gens comme islamistes, je pense qu'il faut faire très attention aux termes parce qu'on est quand même dans une période où dans le débat public, il y a une grande islamophobie, en Belgique comme en France d'ailleurs, c'est-à-dire qu'il y a une grande cristallisation sur les populations musulmanes. Si on n'est pas attentifs aux termes, on risque aussi de nourrir cette logique raciste." Marie Peltier
Complotisme et radicalisation : deux enjeux très liés ?
"Le complotisme comme la radicalisation, ce sont des discours de rupture et de rejet de la société. C'est d'ailleurs pour ça que c'est d'autant plus important de ne pas laisser ces combattants et leurs familles là-bas, parce que ça accentue la rupture et l'idée qu'ils sont rejetés. Donc, ça nourrit leur propre posture. Donc, oui, je pense qu'on peut travailler de manière parallèle contre ces deux phénomènes en essayant de ne pas accentuer cette rupture entre le "nous" et le "eux", c'est-à-dire cette espèce de polarisation, cette binarité qui fait le jeu des discours de propagande de l'Etat islamique. Mais au contraire, en essayant de réintégrer ces personnes à ce qu'on pourrait appeler pompeusement la communauté nationale." Marie Peltier
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