Contagiosité, détectable ou non au PCR, dangerosité... ce variant breton qui intrigue

Illustration du coronavirus
Illustration du coronavirus ©Getty - Picture Alliance / Collection
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Quels défis pose le nouveau variant breton détecté à l'hôpital de Lannion ? Pourquoi et comment apparaissent les variants d'un virus ?

Avec
  • Vincent Maréchal Professeur de virologie à Sorbonne Université, directeur du groupe d’intérêt scientifique Obépine (Observatoire épidémiologique dans les eaux usées).

Depuis la souche d’origine, le covid a muté et ces derniers mois, de nouveaux variants sont apparus. Après le variant britannique, puis le sud-africain ou encore le brésilien, voici venu le variant breton. Qu’en sait-on à ce stade ? Est-il très différent de ceux observés jusqu’à présent ? Quels nouveaux défis pose ce variant ? 

Guillaume Erner reçoit Vincent Maréchal, professeur de virologie à Sorbonne Université, co-fondateur du réseau Obépine, Observatoire épidémiologique des eaux usées.

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Comment et pourquoi apparaissent les variants d'un virus ?

Vincent Maréchal : Les variants apparaissent tout simplement parce qu'à chaque fois que le virus se multiplie, il se réplique des milliers de fois chez son hôte et il fait des erreurs. Certaines de ces erreurs sont sans conséquence. D'autres, malheureusement, peuvent affecter des fonctions essentielles du virus. 

Dans le cas du virus Sars-cov-2,  les variations peuvent toucher cette fameuse protéine de surface qu'on appelle la protéine Spike. Donc certaines de ces mutations peuvent modifier le comportement du virus en le rendant plus contagieux ou plus virulent. 

Que sait-on du variant que l'on a observé à l'hôpital de Lannion ? 

Vincent Maréchal : Il y a un cluster qui a été analysé avec 79 cas, dans lequel huit patients étaient porteurs d'une forme de variant assez assez étonnante. Ce qui a beaucoup troublé, c'est que ces gens, pour certains, présentaient tous les signes cliniques d'une Covid-19, mais avec un test PCR négatif. 

"Certains présentaient tous les signes cliniques d'une Covid-19, mais avec un test PCR négatif"

Cette discordance intrigue beaucoup parce qu'elle laisse penser que ce variant, qui présente de très nombreuses mutations, notamment dans la protéine Spike, diffère de ceux que l'on connaissait déjà. Ce variant pourrait provoquer des problèmes pulmonaires graves plus rapidement et un test PCR négatif, ce qui pose évidemment un problème pour le dépistage. 

Comment a-t-on fait alors pour trouver qu'il y avait effectivement un virus ? 

Vincent Maréchal : Les médecins sont opiniâtres. Face à des signes cliniques de Covid-19, ils ont poussé les investigations en recherchant des traces de réponse immunitaire contre le virus dans le sang, par des tests sérologique, et surtout en récupérant des prélèvements pulmonaires, des prélèvements profonds que l'on appelle des expectorations, donc des prélèvements qui venaient des voies respiratoires basses. Et là, ils ont pu mettre en évidence ce virus. 

La question aujourd'hui est de connaître le comportement naturel du virus qui est peu détectable dans le nez, mais bien présent dans les poumons. Peut-être que, tout simplement, la maladie a été détectée un petit peu plus tard. On sait que le virus rentre d'abord dans le nez et descend ensuite dans les poumons. Donc, on peut imaginer aussi que son passage dans le nez se fait de façon assez brève et assez rapidement il est allé dans les poumons. Mais le fait est que si c'est le comportement naturel de ce virus, alors ça pose des questions sur la stratégie de dépistage. 

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Le nombre de personnes malades ou positives est peut-être très largement sous estimé depuis longtemps ?

Vincent Maréchal : C'est une des justifications qui fait que la Direction générale de la santé a émis hier un signalement invitant à ce que dans la zone qui entoure l'épicentre d'apparition de ce variant -  les départements de Côtes d'Armor et du Finistère en particulier - on soit beaucoup plus vigilants à des formes un peu atypiques, avec des tests négatifs ou avec des tests faiblement positifs de manière à évaluer exactement la portée de la circulation de ce variant. 

C'est un variant qui fait l'objet de ce qu'on appelle une investigation. On va essayer de mieux comprendre de quoi il retourne, de préciser l'épidiémologie de ce variant. Puis, le cas échéant, il faudra sans doute revoir la stratégie, si jamais il s'avérait - ce qui n'est pas encore le cas aujourd'hui - que l'on a affaire à une forme un peu atypique. 

"Le fait qu'il soit peu présent dans le nez laisse penser qu'il est moins contagieux que les formes classiques"

Là où on peut être un peu rassurés, c'est que si la charge virale dans le nez est faible, on peut  imaginer que ce variant est moins contagieux. Il faut quand même préciser aujourd'hui qu'on a très peu de données sur sa virulence. On ne sait pas s'il rend plus ou moins malade que la forme classique. On ne sait pas encore s'il est plus ou moins contagieux, mais le fait qu'il soit peu présent dans le nez laisse penser qu'il est moins contagieux que les formes classiques. Ça reste à préciser dans les semaines qui viennent.

Mais avec les auto-tests alors les variants indétectables vont être encore moins détectés ?

Vincent Maréchal : Il est clair que la sensibilité des tests va être un problème critique. La question des autotests est d'une autre nature. Il faudra utiliser les autotests quand c'est pertinent, on ne va pas les utiliser nécessairement comme des outils d'investigation sur des variants qu'on connaît mal. Il faudra bien les pratiquer ces auto-tests. C'est un geste qu'il faut faire correctement et il faut le faire dans les bonnes circonstances. Donc je pense qu'on ne va pas utiliser les auto-tests dans l'immédiat pour faire l'épidémiologie de ce variant. 

Est-ce qu'il y a une convergence évolutive ?

Vincent Maréchal : Ce qu'on appelle la convergence évolutive c'est le fait qu'apparaissent de façon aléatoire certaines mutations du virus à différents endroits du monde et que les mutations qui sont retenues, donc celles qui sont bénéfiques pour le virus, sont sélectionnées. On a déjà observé, quand on compare les variants britanniques, sud-africains et brésiliens, que certaines altérations de la protéine de surface, la protéine Spike, sont apparues de façon indépendante et ont été retenues par l'évolution du virus comme étant des mutations favorables aux virus. 

En l'occurrence, quand on regarde le variant breton, on ne retrouve pas les signatures qu'on a déjà identifiées et qui sont assez classiques sur d'autres variants. La plupart des mutations qui nous préoccupent chez les variants anglais, sud-africains et brésiliens ne sont pas présentes sur ce nouveau variant breton. Donc, il va falloir analyser les mutations une à une pour savoir si elles ont une importance biologique. 

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Il est question de re-confiner localement, l'Île-de-France. Votre point de vue là-dessus ? 

Vincent Maréchal : La circulation du virus en Île-de-France est très importante. Il faut rappeler qu'elle touche beaucoup les jeunes aujourd'hui et qu'on voit un rajeunissement des cas en réanimation. On est très préoccupé parce que même des gens qui sont affectés de façon peu sévère, peuvent faire des formes longues. Il faut rappeler qu'il y a un enjeu même chez les personnes jeunes et faiblement symptomatiques. Aujourd'hui, il y a une tension hospitalière qui est importante. 

Finalement on a trois possibilités. D'abord la vaccination, mais on voit bien que le calendrier vaccinal ne sera pas suffisant pour nous protéger dans les jours et les semaines qui viennent. Il nous reste donc deux options. La première est individuelle, c'est à dire remonter d'un cran toutes les mesures individuelles que l'on peut prendre : les gestes barrières, les procédures d'isolement, le télétravail... Mais avec ces mesures là, on est un peu à la limite de l'exercice, les gens sont fatigués. Si les mesures individuelles ne fonctionnent pas, la seule option malheureusement ce sont les mesures collectives : le couvre feu, avec un effet modéré dans les régions dans lesquelles ça a été mis en place, et le confinement à géométrie variable dont il va falloir discuter.

Vous pouvez écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.

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