La France peut-elle se passer du gaz russe ?

Vue d'un brûleur d'une cuisinière à gaz.
Vue d'un brûleur d'une cuisinière à gaz. ©AFP - JOHANNA LEGUERRE
Vue d'un brûleur d'une cuisinière à gaz. ©AFP - JOHANNA LEGUERRE
Vue d'un brûleur d'une cuisinière à gaz. ©AFP - JOHANNA LEGUERRE
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Avec la guerre menée par la Russie à l'Ukraine, l’acheminement du gaz est un moyen de pression pour Vladimir Poutine mais il est aussi une ressource financière et stratégique importante pour Moscou. Que pèse le gaz russe dans la consommation énergétique en France ?

Avec
  • Patrice Geoffron professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine, directeur de l’équipe Energie Climat.

S’il est un secteur dans lequel la dépendance à la Russie est forte, c’est celui de l’énergie et du gaz en particulier. Le conflit russo-ukrainien a une incidence sur le prix du gaz. Le gouvernement français a annoncé qu’il était prêt à prolonger le gel des tarifs sur l’année 2022. Mais qu’en est-il de l’approvisionnement ? L’acheminement du gaz est un moyen de pression pour Vladimir Poutine mais il est aussi une ressource financière et stratégique importante pour Moscou. La France peut-elle se passer du gaz russe ? Quelles sont les alternatives en approvisionnements ? Qu’en est-il pour les autres pays européens ?

Chloë Cambreling reçoit Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine, directeur de l’équipe Energie Climat.

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Vous pouvez écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.

La dépendance au gaz russe en Europe

La Russe fournit 40% du gaz en Europe, mais ce pourcentage varie d’un pays à l’autre.

Le gaz russe n’approvisionne pas l’Autriche, alors qu’il approvisionne la Finlande à hauteur de 100%. Pour la France, cette part est assez limitée et représente moins de 20%. La France a une grande façade maritime qui lui permet d’importer du gaz liquéfié. En revanche chez nos voisins allemands et italiens, le gaz russe pèse très significativement et représente plus de 50% de leurs approvisionnements en gaz.

L’Allemagne s’est montrée réticente à valider certaines sanctions, et en particulier l’exclusion des banques russes de la plateforme interbancaire SWIFT. La décision a finalement été prise. De quelle manière cette exclusion peut-elle avoir des effets sur les livraisons de gaz ?

Du côté allemand, on peut tout à fait comprendre qu’étant donné la dépendance en gaz, le fait d’entraver d’une manière ou d’une autre ces transactions soit un sujet sensible. La dépendance de l’Allemagne à court terme a également vocation à augmenter à l’avenir. C’est l’enjeu de Nord Stream 2 parce que l’Allemagne s’apprête non seulement à fermer ses dernières centrales nucléaires mais également à réduire l’usage du charbon, ce qui augmente sa dépendance au gaz et en particulier au gaz russe.

À la recherche d’alternatives au gaz russe

À court et moyen termes quelles sont les alternatives au gaz russe pour l’Europe ?

Rien ne pourra suffire mais on observe un réseau de solidarité qui est déjà en place, avec du gaz liquéfié qui arrive assez massivement des Etats-Unis et qui pourrait croître en provenance du Qatar et d’Algérie pour ce qui est du gaz arrivant par gazoducs. La Norvège fait ses meilleurs efforts pour augmenter ses livraisons.

Certains appellent à un embargo sur le gaz russe. Est-ce vraiment envisageable ?

La situation est compliquée parce que l’hiver n’est pas terminé donc nous sommes collectivement à la merci d’une période de froid. Il faut garder à l’esprit que non seulement la dépendance de la France à l’égard du gaz russe est limitée, mais en plus que la France consomme globalement en proportion moins de gaz que l’Allemagne et l’Italie.

La hausse du prix du gaz et de l’électricité

On constate pour le moment une hausse des prix du gaz et de l’électricité. Malgré le bouclier tarifaire, le conflit russo-ukrainien va-t-il se traduire par une hausse de prix ?

Cela se traduira par une hausse de prix ou une hausse d’impôts mécaniquement. Le prix de gros sur les marchés du gaz augmente et se transfère au prix de l’électricité. On sait déjà qu’en France, les boucliers tarifaires sur l’électricité et sur le gaz ont couté environ 20 milliards d’euros, notamment à EDF. La question est de savoir comment dans le temps on peut prolonger cet effort et de bien comprendre in fine si tout cela se traduit par une augmentation de la dette pour la collectivité et de quelle manière elle sera prise en charge.

Le secteur agricole redoute cette hausse des prix du gaz.

C’est un sujet essentiel. À court terme on observe déjà une augmentation du prix des engrais. À plus long terme, il y a tout de même un intérêt pour le secteur agricole qui produit également du gaz sous la forme de biométhane. Ce gaz n’est pas soumis à des tensions géopolitiques et a des vertus environnementales.

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