Légaliser ou réglementer le cannabis : que nous enseigne le modèle hollandais ?

Vitrine d’un coffee shop à Amsterdam. Photo prise le 21 décembre 2012.
Vitrine d’un coffee shop à Amsterdam. Photo prise le 21 décembre 2012. ©AFP - ALEXANDER KLEIN
Vitrine d’un coffee shop à Amsterdam. Photo prise le 21 décembre 2012. ©AFP - ALEXANDER KLEIN
Vitrine d’un coffee shop à Amsterdam. Photo prise le 21 décembre 2012. ©AFP - ALEXANDER KLEIN
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Une proposition de loi visant à légaliser la consommation de cannabis était débattue jeudi 13 janvier 2022 à l’Assemblée Nationale. Plusieurs pays sont engagés sur la voie de la légalisation ou d'une plus grande tolérance. Depuis 1976, les Pays-Bas font preuve de plus de souplesse sur cette question

Avec
  • Henri Bergeron Chercheur CNRS au CSO (Centre de Sociologie des Organisations) de Sciences Po

Une proposition de loi visant à légaliser la consommation de cannabis était débattue jeudi 13 janvier 2022 à l’Assemblée Nationale. Une proposition portée par la France Insoumise et co-signée par plusieurs groupes politiques. La question anime régulièrement le débat public. Elle pourrait s’inviter dans la campagne présidentielle – certains candidats y étant favorables. Plusieurs pays sont engagés dans cette voie, y réfléchissent, notamment en Europe. Les Pays-Bas sont historiquement connus pour leur plus grande souplesse en la matière. Avec quel bilan ?

Beaucoup pensent que le cannabis est légalisé aux Pays-Bas, mais la réglementation y est en réalité beaucoup plus complexe et ambiguë : quel est le modèle hollandais par rapport au cannabis ? Quels effets a eu cette politique de tolérance sur la santé publique et les réseaux criminels ?

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Guillaume Erner reçoit Henri Bergeron, directeur de recherche au CNRS, enseignant à Sciences Po, co-auteur avec Renaud Colson de « Faut-il légaliser le cannabis ? » First Editions.

Vous pouvez écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page

Un paradoxe dans la réglementation du cannabis aux Pays-Bas

On pense, souvent à tort, que le cannabis est légalisé aux Pays-Bas. En réalité, quelle est la réglementation ? 

Techniquement, la possession de petites quantités de cannabis pour un usage personnel reste possiblement sanctionnée par le droit pénal. Mais la politique néerlandaise a été orientée par des directives depuis les années 80-90 qui instaurent une tolérance pour la consommation et l'usage de cannabis, pour peu qu'ils se réalisent à l'intérieur des coffee shops.

En revanche, la distribution en gros et la culture de cannabis ne sont pas tolérées et sont toujours passibles de sanctions. Il y a une espèce d'incohérence où, d'un côté, on a autorisé la consommation, mais, de l'autre, on n'autorise pas les coffee shops à s'approvisionner auprès de fournisseurs légaux.

Un modèle controversé

Les Pays-Bas sont parfois qualifiés de narco-état, autrement dit de pays où les narcotrafiquants sont devenus très puissants, avec des violences et des menaces liées au business du cannabis. Dans quelle mesure ce qualificatif est-il justifié ?

À partir du moment où vous avez une tolérance partielle et qu'il n'existe pas de légalisation strictement contrôlée, par exemple avec une régie d'État ou avec des organisations gouvernementales, vous laissez effectivement une place importante aux trafics et aux trafiquants. 

Est-ce que ce modèle est aujourd'hui remis en cause aux Pays-Bas ? 

Il faut bien voir qu'aux Pays-Bas, c'est une politique qui reste controversée, notamment autour de la question de la légalisation totale.

Depuis une quinzaine d'années, un durcissement des politiques s'est opéré. Le nombre de coffee shops a considérablement diminué et est passé de 900 à environs 570 (d'après les chiffres de 2017). Certaines municipalités ont décidé de restreindre la vente aux résidents pour éviter le narco-tourisme.

Vers la fin d'une incohérence ? 

Depuis 2017 environ, on discute de la possibilité d'une expérimentation : des organisations gouvernementales seraient autorisées dans certaines villes à produire et à cultiver du cannabis à destination des coffee shops. Je pense que la crise sanitaire a contribué à freiner la mise en œuvre de ces projets, qui visent bien à mettre fin à l'incohérence de la réglementation, diminuer la criminalité et à améliorer les effets sur la santé publique et l'environnement.

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