

Le quotidien « Le Monde » a révélé vendredi 6 décembre 2019 que l’origine de l’attaque informatique appelée "Macron Leaks" s’orientait de plus en plus vers le renseignement militaire russe. De quels éléments dispose-t-on aujourd'hui sur ce dossier de l'entre deux tours de la présidentielle 2017 ?
- Kevin Limonier Maître de conférences à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris 8), directeur adjoint du centre de recherches GEODE et spécialiste du cyberespace russophone
Juste avant le deuxième tour de l’élection présidentielle, en 2017, plusieurs milliers de documents et e-mails du mouvement « En marche » avaient été piratés et massivement diffusés sur internet et les réseaux sociaux. En se référant aux travaux de deux chercheurs en sécurité informatique, le quotidien « Le Monde » a révélé vendredi 6 décembre 2019 que l’origine de l’attaque informatique s’orientait de plus en plus vers le renseignement militaire russe, et ce juste avant l’arrivée à Paris de Vladimir Poutine pour un sommet sur l’Ukraine. Y a-t-il eu ingérence russe dans l’élection présidentielle française ?
Guillaume Erner reçoit Kevin Limonier, maître de conférence à l’Institut français de géopolitique de l’Université Paris 8, spécialiste du cyberespace russe.
Tentative de déstabilisation de l’élection présidentielle française en 2017 ?
"L’attribution d’une cyberattaque à un Etat est techniquement quasiment impossible. Il s’agit, la plupart du temps, d’interprétation d’un faisceau d’indices concordants qui peuvent être extrêmement convaincants, mais cela pose question sur le régime d’administration de la preuve et aussi sur les conséquences juridiques." Kevin Limonier.
"Aujourd’hui, il semblerait que les nouvelles informations dont nous disposons, permettent effectivement une série de déductions (par croisement avec plusieurs bases de connexions qui existent) permettent de penser qu’il s’agit du renseignement militaire russe, mais de là à avoir la preuve formelle que l’Etat russe a ordonné formellement une opération d’ingérence sur le territoire français, via le mouvement En marche, il y a encore une grosse marche." Kevin Limonier.
"On peut très bien identifier des groupes d’attaquants qui utilisent les mêmes bouts de codes, les mêmes scriptes. Mais établir les relations que ces groupes peuvent avoir les gouvernements, c’est une autre question, qui relève du renseignement. Et là, on rentre dans toute autre chose." Kevin Limonier.
"La France n’a encore jamais, jusqu’à présent, attribué de cyberattaque à un Etat, et notamment pas à la Russie, ce que les Américains ont fait." Kevin Limonier.
"Il est certain qu’il y a une coordination dont on ne connaît pas tout à fait la teneur". Kevin Limonier.
Curiosité dans l’enchaînement des événements :
"Vous avez deux volets dans les Macron Leaks : le premier est l’intrusion et le vol des données ; le deuxième volet est l’opération de communication qui a permis de faire connaître, sur les réseaux sociaux, l’existence de ces documents." Kevin Limonier.
"Quand on regarde le timing, c’est intéressant car ça arrive au moment du débat entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. A un moment du débat, où Marine Le Pen fait un sous-entendu sur des révélations à venir… Et presqu‘au même moment, sur tweeter, apparaît la toute première mention des Macron Leaks, qui vient d’un compte très influent de la sphère pro Trump. Kevin Limonier.
On a ici une nébuleuse encore très floue, mais il semblerait qu’il y ait une coordination qui implique à la fois des acteurs russes dont on ne connaît pas encore la nature réelle des liens avec le GRU, une coordination avec des activistes américains, qui ont fait en sorte de faire monter la sauce sur les Macron Leaks, durant le week-end qui précède le scrutin… On a encore ici un hiatus qu’on ne sait pas tout à fait situer mais qui montre que ces opérations peuvent être extrêmement complexes. On ne sait pas si tout ça était planifié à l’avance ou s’il s’agit d’une conjoncture. Kevin Limonier.
Sur le mouvement des Gilets jaunes et l’influence russe :
Pour ce que l’on en sait, aujourd’hui, on sait que l’ingérence russe dans le mouvement des Gilets Jaunes est assez minime voire inexistante. Il y a une sympathie pour les médias russes parmi les Gilets Jaunes mais on n’a rien vu de plus. Kevin Limonier.
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