La mise en place récente d'un Etat d'urgence sanitaire par le gouvernement a conduit à une restriction des libertés publiques durant les deux prochains mois. En temps de pandémie, doit-on limiter les libertés individuelles des citoyens afin les mesures de confinement soient efficaces ?
- Dominique Rousseau professeur de droit constitutionnel à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien membre du Conseil Supérieur de la Magistrature de 2002 à 2006.
Face à la nécessité de mettre en place rapidement des mesures pour lutter contre la pandémie de Covid-19, le gouvernement a notamment inscrit dans le droit l’état d’urgence sanitaire le 23 mars. Cette loi permet de restreindre des libertés publiques en matière de confinement et de réquisitions pendant deux mois. Si le besoin de restreindre temporairement certaines libertés est unanime, le manque de contrôle des mesures gouvernementales, en particulier par le Parlement, est pointé du doigt.
Nos libertés fondamentales sont-elles menacées par les mesures de lutte contre la pandémie ?
Pour répondre à cette question, Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à Paris 1 Panthéon-Sorbonne est l'invité de la Question du Jour.
Une loi faisant rupture avec l'essence même de la Nation ?
" Ce qui fait un corps social, ce sont les libertés, les droits. C’est l’adhésion aux libertés qui fait que nous sommes un corps. Si on porte atteinte aux libertés, le corps se délite. Nous devenons des individus les uns à côté des autres."
La loi du 23 mars 2020 essaie d’introduire le droit dans un espace au départ vide de droit. L’État d’urgence est l’expression d’une volonté politique pure en dehors du cadre constitutionnel et légal. Et la loi du 23 mars 2020 essaie de mettre du droit dans cette espace là. Dominique Rousseau
"L’État d’urgence sanitaire peut être discutée pour un ou deux mois. Alors que l’État d’urgence sécuritaire dure 12 jours et une intervention du Parlement est nécessaire pour le prolonger. Il y a une atteinte aux libertés puisque le pouvoir exécutif a une liberté d’action durant deux mois.
Le juge, gardien ultime des libertés individuelles même en temps de pandémie ?
"Il faut qu’un équilibre soit trouvé entre l’ordre public, la santé publique et les libertés individuelles. Il faut que cette conciliation soit proportionnée et qu’elle ne porte pas atteinte au cœur même de la liberté. On peut limiter une liberté mais on ne peut pas la dénaturer."
La Constitution dit que le rôle du juge est d’être le gardien de la liberté individuelle, ce ne sont pas les médecins, ce sont les juges. Il est du ressort du juge de vérifier que les décisions prises respectent les libertés individuelles. Dominique Rousseau
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