C’est une affaire qui a entraîné une vague d’indignation et de colère ce week-end en France : la photo d’une manifestante brandissant une pancarte antisémite dans un rassemblement contre le pass sanitaire ce samedi 7 août, a été largement diffusée sur les réseaux sociaux.
- Emmanuel Debono Historien, auteur du blog 'Au coeur de l'antiracisme' sur le site web du Monde, rédacteur en chef du DDV (Le Droit de Vivre), le journal historique de la LICRA
Le parquet de Metz a ouvert dimanche une enquête sur cette pancarte au message clairement antisémite : les noms de plusieurs personnalités y sont inscrits, dont le seul point commun est leur appartenance présumée ou avérée à la communauté juive. Encadrant ces noms, l’inscription "Mais qui ?", un slogan qui s’est largement diffusé dans les milieux antisémites depuis juin, et que l’on a pu voir sur plusieurs pancartes lors des manifestations contre les mesures sanitaires depuis le 17 juillet.
La manifestante, une enseignante et ancienne militante au Front National, a été interpellée lundi et sa garde à vue a été prolongée de 24 heures hier, mardi 10 août. Comment expliquer l’apparition d’un tel slogan, et comment naissent ce type de symboles antisémites ? Pour en parler, Chloë Cambreling s'entretient avec Emmanuel Debono, historien, auteur d’un blog consacré à l’antiracisme sur le site du Monde et rédacteur en chef de Le Droit de Vivre, le journal de la LICRA.
Aux origines du "qui"
Il ne s'agit pas de dire ici que ce genre de pancarte ou de message est majoritaire dans les manifestations et partagés par l'ensemble des manifestants. Néanmoins, leur présence pose question à commencer par l'émergence du slogan "qui".
C'est devenu un élément de langage d'une frange antisémite à la suite d'un passage sur la chaîne CNews du général Delawarde il y a quelques semaines. Il a été l'auteur d'une tribune mettant en cause le système et appelant clairement à un soulèvement. Sur le plateau de CNews, il a laissé entendre que les médias étaient contrôlés sur le plateau. Le journaliste Claude Posternak lui a demandé d'être plus précis et il y avait un évitement de la part du général Delawarde.
Il ne voulait pas évidemment prononcer le terme "juifs", puisque c'est à ça qu'il faisait référence. À force d'être poussé par la question "mais qui ?", il a fini par dire "la communauté que vous connaissez bien". Une pensée classique de l'antisémitisme, c'est à dire l'idée que les Juifs contrôlent les médias, la finance, le monde.
Antisémitisme et mobilisation contre le pass sanitaire
Cette interrogation "qui ?" fait partie des éléments de langage qui tournent sur le web antisémite depuis quelques semaines. Même s'ils ne sont pas majoritaires, des messages antisémites sont visibles lors des manifestations, sur des pancartes par exemple, ou encore à travers des symboles détournés comme l'étoile jaunes. Il y a d'un côté le sous entendu que les Juifs seraient responsables et de l'autre que ceux qui résistent au passe sanitaire sont comparables aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Comment comprendre cette utilisation dans ce contexte de mobilisation contre le pass sanitaire ?
Avec toutes ces références, on a une illustration de la spécificité de l'antisémitisme. C'est-à-dire que dans des moments de crise, des mouvements qui agrègent des franges assez hétéroclites de la population comme les gilets jaunes, on a une focalisation, à un moment ou un autre, sur les Juifs_._
C'est une lecture qui vient simplifier le fonctionnement d'un monde complexe dont on ne comprend pas forcément les tenants et les aboutissants.
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