Privées de gaz russe, c’est le sort réservé à la Pologne et la Bulgarie depuis le 27 avril 2022. La Russie a décidé de suspendre ses livraisons de gaz à ces deux pays, arguant qu'ils ne paient pas en roubles, comme elle l'exige depuis avril 2022. Pourquoi sont-ils plus visés que d'autres pays ?
- Florent Parmentier Secrétaire général du CEVIPOF/Sciences Po, chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC
Privées de gaz russe. C’est le sort réservé à la Pologne et la Bulgarie depuis mercredi 27 avril 2022. Face aux sanctions internationales imposées à la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine, Moscou avait décidé en avril que les pays importateurs présentés comme "inamicaux" devraient désormais payer le gaz en roubles et non plus en euros ou en dollars. Moscou estime que les deux pays n’ont pas répondu à cette exigence. Pourquoi sont-ils plus visés que d’autres états européens ? Les suspensions de gaz russe pourraient-elles s’étendre à d’autres pays ?
Chloë Cambreling reçoit Florent Parmentier, politologue, secrétaire général du CEVIPOF/Sciences Po, chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Auteur notamment de Les chemins de l’État de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie (ed. Presses de Sciences Po, 2014).
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La politique polonaise et bulgare en matière de gaz russe
Le Premier ministre polonais appelait depuis un certain nombre de semaines à une dérussification de l’économie explique Florent Parmentier. "Le fait de se voir couper l’approvisionnement en gaz est l’anticipation de son programme. L’enjeu pour la Pologne consiste à dire que plus tôt nous nous passons de gaz russe, plus rapidement nous privons l’économie russe de ces devises et sommes en mesure de faire mal à la Russie économiquement".
La Pologne a ainsi déclaré qu’elle ne payerait pas en roubles l’achat de gaz à la Russie. La Bulgarie a eu la même idée, mais son cas est un peu différent. "Historiquement, la Pologne considère la Russie comme l’oppresseur du XIXème siècle tandis que la Bulgarie perçoit positivement la Russie dans son combat contre l’Empire Ottoman".
Tester la solidarité européenne
"L’idée qu’avait mise en place la Russie pour contrer les sanctions a été de procéder en deux temps". Exclue du système Swift par les premières sanctions, la Russie a exigé le paiement du gaz en euros ou en dollars à Gazprom banque (branche financière du géant énergétique russe). Sur un deuxième compte, ses clients se voyaient dans l’obligation de convertir les sommes en roubles. Selon Florent Parmentier, toute la question pour l’UE était de se demander si ce paiement indirect, en deux fois, ne contrevenait pas à la politique des sanctions. La Hongrie en a accepté l’idée.
"La raison pour laquelle et la Bulgarie et la Pologne ont été ciblées est certainement pour la Russie de tester la solidarité européenne en poussant les dissensions. Reste à voir si les Européens vont vouloir payer séparément ou apporter une réponse globale avec un achat collectif".
D’autres coupures à venir
"En 2006 et en 2009", explique Florent Parmentier, "deux crises gazières russo-ukrainiennes avaient conduit à davantage de rapprochement et à l’interconnexion des réseaux gaziers. On peut imaginer que la crise telle qu’elle est aujourd’hui, favorisera des solidarités plus importantes au niveau européen". Le chercheur estime que la Russie pourrait poursuivre les coupures, notamment au Danemark, aux Pays-Bas, ou à la Croatie et la France qui n’ont pas fait preuve de beaucoup d’empressement à payer en roubles pour des raisons compréhensibles.
"L’impact économique pour la Russie de cette mesure est réel, mais à partir du moment où les autres acteurs économiques sont prêts à payer un prix élevé, cet impact est probablement secondaire dans la prise de décisions aujourd’hui".
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