Qu’est-ce qu’un boycott diplomatique ?

Photo prise à Pékin le 7 décembre 2021.
Photo prise à Pékin le 7 décembre 2021. ©AFP - NOEL CELIS
Photo prise à Pékin le 7 décembre 2021. ©AFP - NOEL CELIS
Photo prise à Pékin le 7 décembre 2021. ©AFP - NOEL CELIS
Publicité

Lundi 7 décembre 2021, les Etats-Unis ont annoncé le boycott diplomatique des JO d’hiver de Pékin, qui doivent avoir lieu en février 2022. La réaction de Pékin ne s'est pas faite attendre. En quoi consiste un boycott diplomatique ?

Avec

Le « boycott diplomatique », une menace finalement mise à exécution. Les Etats-Unis ont annoncé lundi 7 décembre 2021 le boycott diplomatique des JO d’hiver de Pékin, qui doivent avoir lieu du 4 au 20 février 2022. Cette annonce a suscité plusieurs réactions à l’international. Celle de la Chine, en premier lieu, qui, par la voix de son porte-parole, a déclaré que « Les Etats-Unis paieraient le prix de leur mauvais coup. » Qu’est-ce qu’un boycott diplomatique ? A quoi cela sert-il ? 

Guillaume Erner reçoit Christian Lequesne, professeur de sciences politiques à Sciences Po Paris, a dirigé l’ouvrage La puissance par l'image : les Etats et leur diplomatie publique (Presses de Sciences Po, 2021)

Publicité

Vous pouvez écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.

Ce qu'est un boycott "diplomatique"

Pourriez-vous commencer par nous définir ce qu'est un boycott diplomatique ?

Dans le contexte des JO, cela consiste à ne pas envoyer de représentants de l'Etat et de l'administration lors des cérémonies d'ouverture et de clôture des jeux. C'est différent de ce que l'on appelle un boycott intégral, qui consiste à ne pas envoyer d'athlètes. Nous en avons eu des exemples dans le passé, notamment en 1980 : les Etats-Unis n'ont envoyé aucun athlète aux jeux de Moscou pour protester contre l'invasion des troupes soviétiques en Afghanistan.

Une mesure symbolique et intermédiaire

Mais justement, est-ce qu'il ne s'agit pas alors d'une demi-décision ? Pourquoi ne pas aller jusqu'à boycotter complètement ces jeux ?

C'est toute la subtilité de la diplomatie, qui consiste à avoir une certaine gradation dans les mesures adoptées et à jouer sur le registre symbolique. Là, en l'occurrence, il s'agit surtout d'alerter l'opinion publique internationale du fait qu'il y a un problème croissant de droits de l'homme en Chine, en particulier avec la minorité ouïghoure. C'est aussi une façon, pour les Etats-Unis, de répondre à des demandes de politique intérieure : des voix se sont élevées dans les deux camps pour réclamer ce boycott.

Il se trouve par ailleurs que beaucoup de pays où sont organisées des compétitions sportives ne sont pas exempts de toute critique sur le plan des droits de l'homme, ce qui pose un problème supplémentaire...

Absolument, et ce n'est pas une histoire nouvelle. On se rappelle bien sûr l'organisation des JO de 1936 par le régime nazi en Allemagne. Cela amène justement aussi cette dissociation entre le comportement des gouvernements et celui des comités olympiques : comme il y a de nombreux pays qui accueillent des compétitions et où les droits de l'homme ne sont pas respectés, cela donne ce genre de mesures intermédiaires. Comme toujours en diplomatie, c'est avant tout un message.

Un impact difficile à évaluer

Est-ce que cela peut modifier la politique que les Chinois mènent avec les Ouïghours ? Car on a vu que dans le cas de Peng Shuai, cela n'a pas changé grand-chose.

Je crois qu'à court-terme, non, cela ne changera pas grand-chose : les Chinois continueront à avoir la même politique avec les Ouïghours. C'est d'ailleurs une des questions les plus difficiles pour nous, analystes : comprendre et évaluer vraiment l'impact de telles mesures. C'est vrai de la diplomatie en général : ce sont des procédures, et on a souvent du mal ensuite à mesurer leur impact. Mais encore une fois, les gouvernements préfèrent utiliser ce type de méthode que de ne rien faire.

Les conséquences possibles

La Chine a dit qu'il y aurait des représailles, ou plutôt des "conséquences" à cette politique. Que peut-on imaginer en la matière ?

Il est vraisemblable qu'elle joue sur la dimension commerciale, puisque c'est quand même l'instrument qu'elle peut utiliser avec les Etats-Unis et ceux qui ont suivi leur décision comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ont des relations commerciales importantes avec la Chine. Mais je crois que du côté chinois, c'est aussi un message adressé à la population : "nous allons être durs, et ne pas laisser ces Américains nous gâcher la fête".

L'équipe