Qu’est-ce que le syndrome de la Havane, dont souffrent plusieurs diplomates américains ?

Mystère autour de ce qui a été appelé le "syndrome de La Havane".
Mystère autour de ce qui a été appelé le "syndrome de La Havane". ©Getty - Vasily Pindyurin
Mystère autour de ce qui a été appelé le "syndrome de La Havane". ©Getty - Vasily Pindyurin
Mystère autour de ce qui a été appelé le "syndrome de La Havane". ©Getty - Vasily Pindyurin
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L'histoire commence en 2016 à La Havane. Des diplomates américains en poste à Cuba présentent des symptômes du type maux de têtes, vertiges, acouphènes... Cette histoire se répète depuis 5 ans dans plusieurs pays à travers le monde, toujours auprès d'officiers américains (parfois aussi canadiens).

Avec
  • Philippe Hayez Magistrat de la Cour des Comptes, ancien directeur adjoint du renseignement à la DGSE, responsable des enseignements sur le renseignement à Sciences-po Paris, co-auteur avec Jean-Claude Cousseran de « Leçons sur le renseignement », ed. Odile Jacob.

C’est une histoire que les Etats-Unis prennent maintenant au sérieux. Des diplomates ou agents du renseignement américains en poste à l’étranger souffrent de maux mystérieux : migraines, acouphènes, vertiges... Comme le rapportait le quotidien britannique « The Guardian », le 25 novembre 2021, près de 200 cas auraient été répertoriés dans plusieurs pays. Mais c’est à Cuba que les premiers ont été signalés en 2016. Que sait-on sur ces agents et diplomates qui souffrent de ce qui a été appelé « le syndrome de la Havane » ? 

Guillaume Erner reçoit Philippe Hayez, responsable des enseignements sur les politiques du renseignement à l’école des affaires internationales de Sciences-po Paris, co-auteur avec Jean-Claude Cousseran de Nouvelles leçons sur le renseignement (Odile Jacob, 2021).

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Vous pouvez écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.

Ce qu'est le syndrome de la Havane

De quoi souffrent ces diplomates et agents états-uniens ?

Ils souffrent de maux de tête, de troubles sensoriels, de dommages psychiques aussi. Cela a commencé à Cuba pour une vingtaine de diplomates, qui sont souvent des agents de renseignement de la CIA. Ce phénomène, qui a démarré petitement, s'est étendu. Il y a environ 200 familles de diplomates qui ont été frappées sur une douzaine de pays aujourd'hui.

Les pays concernés

Au début, on parlait du syndrome "de la Havane", mais cela concerne aussi d'autres pays ?

Maintenant, on en a sur tous les continents et dans une douzaine de pays : l'Inde, la Chine, le Vietnam, Taiwan, la Pologne... Cela concerne aussi l'Autriche, à Vienne. Ce sont des endroits où il y a beaucoup d'agents états-uniens. Vienne, par exemple, c'est l'endroit où se tiennent en ce moment les négociations sur l'Iran.

Une entreprise d'intimidation

Au moins, cela disculpe les autorités cubaines, car en appelant cela le syndrome de la Havane, on avait une idée de qui aurait pu faire le coup...

Effectivement, c'est une entreprise mondiale d'intimidation des services de renseignement américains, sur des endroits où ils ont besoin d'être sur le terrain. On est sur du renseignement humain, classique, et il s'agit d'entraver son action... en conduisant ces agents parfois à être rapatriés aux Etats-Unis.

Qui a pu faire ce coup ?

Il n'y a aucune preuve. Tout laisse penser que notre vieille Russie est à l'origine de cela. Il y a eu un rapport de l'Académie des sciences aux Etats-Unis, qui n'était pas totalement probant, mais qui avance que ce sont des phénomènes de micro-ondes - des ondes dirigées sur des personnes, par des installations de proximité. Cela suppose de pouvoir être à côté des ambassades, des domiciles de ces agents américains... La Russie a une expérience dans ce domaine, mais elle nie évidemment être à l'origine de ce phénomène. Le mois dernier, encore, le directeur de la CIA s'est rendu à Moscou pour faire des représentations en disant que ce n'était pas comme ça qu'on se comporte entre services modernes.

Les réactions aux Etats-Unis

Qu'en pensent aujourd'hui les Etats-Unis ? Est-ce que le gouvernement ou la CIA ont fait des communications officielles à ce sujet ?

C'est une affaire qui prend un tour de plus en plus politique, et le gouvernement américain est un peu embarrassé, car il n'a pas encore apporté la preuve publique que la Russie est l'auteure de ce phénomène. Peut-être aussi qu'ils ont une source et ne veulent pas la révéler.

Cela prend une importance politique aux Etats-Unis, car il y a un émoi collectif au sein de la CIA. Une pression s'exerce sur la hiérarchie, et atteint déjà le Congrès, qui a voté le Havana Act, lequel vise à prendre en charge les dommages physiques.