

L’agression d’un adolescent issu de la communauté tchétchène a provoqué à Dijon, des affrontements entre individus se revendiquant de la communauté tchétchène et habitants de certains quartiers de l’agglomération dijonnaise. Peu connus en France, que sait-on des Tchétchènes qui vivent en Europe ?
Anne Le Huérou (maître de conférences à l'Université Paris-Ouest-Nanterre, spécialiste de la Russie contemporaine).
Des affrontements sous forme d’expéditions punitives, des individus lourdement armés. Les violences survenues à Dijon mi juin 2020 n’ont pas manqué de susciter l’attention médiatique et politique. Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, Laurent Nuñez, s’est rendu sur place. Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement National, également. L’agression d’un adolescent issu de la communauté tchétchène a provoqué l’envolée de ces affrontements entre individus se revendiquant de la communauté tchétchène et habitants de certains quartiers de l’agglomération dijonnaise. Peu connus en France, que sait-on des Tchétchènes qui vivent en Europe ? Que représentent-ils ?
Guillaume Erner reçoit Anne Le Huerou, maîtresse de conférence en études russes à l’Université Paris Nanterre, notamment co-auteure avec Aude Merlin de l’article « La Tchétchénie de Kadyrov, atout ou menace pour l’État russe ? » publiée dans la Revue Défense Nationale (Eté 2017/N°802).
Quand a eu lieu l'exode des Tchétchènes ?
À partir de l'automne 1999, au début de ce qu'on a appelé la Deuxième guerre de Tchétchénie, beaucoup de Tchétchènes se sont exilés vers l’Europe pour compter aujourd'hui une population qui est estimée entre autour de 150.000 personnes, sachant que c'est assez difficile d'avoir des statistiques. La France, par exemple, ne reconnaît pas les statistiques ethniques. Quand on demande l'asile auprès de l’OFPRA, on le demande en tant que citoyen de la Fédération de Russie et non pas comme Tchétchène. Mais on estime aujourd'hui que les Tchétchènes sont à peu près 50 à 60 000 en France. Anne Le Huerou
" Ils se sont exilés parce que la guerre menée par les troupes russes, notamment la Deuxième Guerre de 99, était extrêmement violente et brutale. Elle touchait essentiellement la population civile, avec des violations massives qui ont été largement documentées par toutes les organisations des droits de l'homme, y compris Russes et internationales. La Cour européenne des droits de l'homme continue quasiment chaque semaine de condamner la Russie pour ses exactions et ses violations. Et c'est pour ça que les Tchétchènes se sont exilés en masse vers l'Europe."
Un esprit de communauté important ?
" Les Tchétcènes ont souvent été répartis en fonction des lieux où il y a des foyers d'accueil pour des demandeurs d'asile CADA, (Centre d'accueil des demandeurs d'asile). Particulièrement au début des années 2000. La géographie, de cette répartition était était assez liée à cela. Donc, il y a une population relativement importante dans l'est de la France, autour de Strasbourg, mais également en région parisienne."
Je pense que l'on retrouve dans ce qui est arrivé à Dijon une manière, pour un certain nombre de Tchétchènes de se positionner dans une logique de performance guerrière, de démonstration de force qui peut rappeler des pratiques sociales ou culturelles qui existent en Tchétchénie. [...] Donc cela pourrait expliquer que effectivement, on se regroupe, y compris en venant de très loin, pas forcément de Dijon, mais d'ailleurs pour défendre l'un des siens, qui aurait été victime de deux dealers puisque c'est ce qui se dit. Anne Le Huerou
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