Tous les pays européens ne mettent pas en place les mêmes dispositifs pour faire face à ce que l’on appelle désormais en Europe la deuxième vague de l’épidémie de Covid 19 : confinement strict, assoupli, couvre-feu... quels choix sont pratiqués ?
- Samuel Alizon Directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l’évolution des maladies infectieuses
Confinements généraux et obligatoires, confinements recommandés, couvre-feux… tous les pays européens n’ont pas adopté exactement les mêmes stratégies pour faire face à ce que l’on appelle désormais en Europe la deuxième vague de l’épidémie de Covid 19. Pourquoi et comment certains ont-ils mis en place des limitations de déplacements et de sorties plus strictes que d’autres ? Avec quels effets escomptés ? La France est-elle dans la moyenne de ses voisins européens ?
Guillaume Erner reçoit Samuel Alizon, biologiste, directeur de recherche au CNRS, auteur de “Évolution, écologie et pandémies. Faire dialoguer Pasteur et Darwin” ed. Seuil / Collection Points/Poche.
Disparités de confinements en Europe
Samuel Alizon : "Rien qu'en regardant en France, on voit que le confinement actuel est assez différent du premier confinement. Et c'est aussi ce que l’on voit au travers de l'Europe : une diversité, finalement, des confinements/reconfinements. Il y a vraiment une diversité des situations. L’Angleterre (qui reconfine jeudi 5 novembre 2020) est effectivement aujourd'hui le pays qui ressemble le plus à la France. Ils ont géré la crise un peu différemment, mais effectivement, eux aussi reconfinent très fortement."
"D’autres pays ne reconfinent pas, mais vont quand même avoir un niveau de contrôle relativement strict sur l'épidémie. Par exemple, vous avez l'Espagne qui, sur le papier, n'est pas confinée, il n'y a même pas de confinement recommandé, il y a juste des couvre feu - contrairement à d'autres pays comme l'Allemagne ou le Portugal, voire la Suisse. Les estimations qui sont faites, sont assez compliquées à évaluer, parce qu’on mélange un peu des pommes et des poires. Mais quand on estime la sévérité et l'intensité de la réponse gouvernementale, l'Espagne sort à un niveau qui n'est pas très loin actuellement de celui de la France sur ses estimations. Ces confinements sont différents et les situations épidémiques sont aussi différentes."
"En Allemagne, par exemple, où le confinement est recommandé, actuellement, vous avez une situation épidémique qui n'a rien à voir avec celle de la France. L'épidémie en est à peu près là où en était la France il y a six semaines. Aujourd'hui, en moyenne, vous avez 80 à 90 décès en moyenne par semaine en Allemagne (liés à la covid 19). Aujourd'hui, on en est plutôt à 300 en France. Cet effet, finalement, du confinement va être très différent aussi selon les pays."
En Allemagne, l'épidémie en est à peu près là où en était la France il y a six semaines. Samuel Alizon
Samuel Alizon poursuit : "C’est un ensemble de mesures et il y a très peu d'homogénéité au niveau européen. Vous allez trouver des spécificités qui dépendent énormément du niveau local. La France est un pays dont l’économie repose beaucoup sur le tourisme et fait donc des choix très différents (de la Suisse par exemple). Il y a une dimension qui est à prendre en compte, qui n'est pas juste la dimension sanitaire : la dimension sociale et économique et qui explique la diversité des critères.
La dimension sociale et économique explique la diversité des critères de restrictions d'un pays à l'autre. Samuel Alizon
Si on en revient à l'un des premiers pays touchés par la première vague, l'Italie, Samuel Alizon explique que : "Actuellement, l’Italie a des recommandations qui sont moins strictes que sur la France : il y a juste des couvre feu et même pas de recommandations de confinement. Et pourtant, la situation en Italie est aussi en train de se dégrader relativement rapidement. De même, qu’en France, on ne peut pas vraiment parler à la place du gouvernement, c'est un peu les mêmes questions qui se posent. Difficile de commenter les réponses des gouvernements..."
Comment évaluer l’impact des mesures : fermetures de certains magasins, écoles etc.
Samuel Alizon : "On arrive relativement bien à estimer l'effet global des mesures. Mais séparer l'effet des mesures prises une à une, ça, c'est vraiment un défi. Si vous prenez la France, par exemple, et vous tentez de voir l'effet de la fermeture des écoles, vous voyez qu'en France, sur le premier confinement, la fermeture des écoles a été mise en place un jour avant le confinement national. Donc, vous allez avoir du mal à distinguer ce qui est dû à tel ou tel effet."
"Une étude a tenté cela en compilant finalement les données d'une centaine de pays pour voir quelles sont les mesures qui, une fois mises en place, limitent le plus l'épidémie et à l'inverse, quelles sont les mesures qui, si levées, entraînent un redémarrage de l'épidémie. Le signal est relativement flou, mais il semble que la mesure qui a le plus d'effet quand on l’impose, c'est le fait d'empêcher les rassemblements publics. C’est ce qui ressort le plus de cette méta analyse. En revanche, les mesures levées (donc dans l'autre sens, quand vous vous arrêtez d'instaurer une mesure), là, il y a plus de mesures qui ressortent : malheureusement, c'est la réouverture des écoles, je crois, qui sort en premier, ensuite, vous avez autorisé les rassemblements de plus de 10 personnes et aussi l'arrêt du télétravail."
Plus vous mettez en place une mesure tôt dans l'épidémie, plus elle a d'effets. Samuel Alizon
"Il y a une diversité de mesures et c'est relativement compliqué d'estimer leur effet global. Mais ce qui est certain, c'est qu'il y a vraiment ce contexte épidémique qui est majeur : plus vous mettez en place une mesure tôt dans l'épidémie, plus elle a d'effets. Et donc certaines mesures, qui peuvent avoir un effet rapidement - je pense notamment, par exemple, à la stratégie de dépister et d'isoler, qui est très efficace en début d'épidémie, elle se révèle beaucoup moins efficace une fois que l'épidémie est partout."
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