

Par Nicolas Aussel, doctorant en quatrième année de thèse à Télécom SudParis (université Paris-Saclay) soutenu par Safran.
Les avions modernes embarquent de plus en plus de capteurs pour surveiller l’évolution des paramètres de vol tels que la vitesse, l’altitude ou la déformation des ailes mais également pour surveiller la situation en cabine et le fonctionnement des différents systèmes embarqués. Le but de ces mesures est de s’assurer que tous les paramètres restent en dessous des seuils de sécurité fixés lors de la conception des capteurs afin de garantir une fiabilité maximale. Dès lors qu’un seuil de sécurité est dépassé, la pièce concernée est considérée comme défaillante et doit être remplacée.
En utilisant des méthodes issues de l’apprentissage automatique, un champ d’étude de l’intelligence artificielle, de nombreuses techniques ont été développées pour essayer d’apprendre à anticiper ces dépassements de seuil et ainsi pouvoir remplacer les pièces avant qu’elles ne deviennent défaillantes. Grâce à cela on peut à la fois augmenter la fiabilité des systèmes embarqués et diminuer les coûts de maintenance en anticipant au mieux les besoins de changement de pièce et de réparation, ce qu’on appelle la maintenance prédictive. Néanmoins, ces méthodes demandent énormément de données et des ordinateurs très puissants pour fonctionner. C’est pourquoi elles ne fonctionnent que lorsqu’un avion est au sol et connecté à de puissants centres de calcul.
Avec le développement de liaisons de données de plus en plus efficaces entre l’avion et le sol utilisant, par exemple, des connexions satellites, la voie est ouverte au développement de méthodes qui pourraient fonctionner pendant le vol en envoyant les données en temps réel à une station au sol. Néanmoins, les connexions satellites sont encore trop limitées pour envoyer la totalité des données collectées dans l’avion et sont par ailleurs très onéreuses.
Le but de sa thèse, à l'intersection entre les statistiques appliquées et l’architecture logicielle, est de proposer une nouvelle méthode d’apprentissage automatique qui fonctionnera en temps réel malgré ces contraintes de communication. Pour cela, la solution que Nicolas Aussel propose opérera en deux temps. Premièrement, un programme d’apprentissage automatique embarqué dans l’avion estimera en temps réel les risques de défaillance ainsi que l’incertitude associée à cette estimation. Deuxièmement, dès lors que ces risques deviennent trop importants ou l’incertitude trop élevée, les données pertinentes sont transmises à la station au sol qui effectue un calcul plus précis et décide de la marche à suivre. Si les seuils de sécurité ne sont pas dépassés, la station au sol propose une correction au programme embarqué dans l’avion afin qu’il améliore ses prochaines estimations. Si, au contraire, les risques de défaillance sont avérés, la station au sol envoie une notification à l’équipage de l’avion et au personnel de maintenance de l’aéroport de destination pour automatiquement planifier une maintenance. Dans cette manière de procéder par un dialogue entre deux programmes aux capacités très différentes situés l’un dans l’avion et l’autre au sol qui collaborent sur la même tâche, les deux programmes sont appelés des agents communicants hétérogènes. Cette approche permettra de rendre les systèmes aéronautiques encore plus fiables, de diminuer les coûts de maintenance et de réduire les risques de retard importuns pour cause de panne imprévue.