A-t-on déraillé différemment en 2020 ?

 Un patient marche dans un couloir de l'EPS de Ville Evrard, Centre psychiatrique du Bois de Bondy, en mai 2020
 Un patient marche dans un couloir de l'EPS de Ville Evrard, Centre psychiatrique du Bois de Bondy, en mai 2020 ©AFP - Loic Venance
Un patient marche dans un couloir de l'EPS de Ville Evrard, Centre psychiatrique du Bois de Bondy, en mai 2020 ©AFP - Loic Venance
Un patient marche dans un couloir de l'EPS de Ville Evrard, Centre psychiatrique du Bois de Bondy, en mai 2020 ©AFP - Loic Venance
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Alors qu’Emmanuel Macron a évoqué jeudi la création d’un “chèque-psy” pour les étudiants en détresse face à la Covid 19, vous avez retenu plusieurs articles qui explorent la santé mentale des jeunes et les besoins des étudiants...

La pandémie a t-elle eu un impact sur le troubles des adolescents ?  A-t-on déraillé différemment en 2020 ?

Ce sont ces questions simples que s’est posé dans l’hebdomadaire l’Obs l’écrivain-journaliste Emmanuel Carrère, qui a passé dix jours en immersion dans le service de pédo-psychiatrie de la Pitié Salpêtrière à Paris. C’était il y a quelques semaines, pendant les fêtes de Noël, mais l’heure n’était pas à la fête, covid et distanciation obligent. 

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Alors à la question « a-t-on déraillé différemment en 2020 », Emmanuel Carrère nous revèle un paradoxe : « le confinement a rendu fous les gens normaux, mais en revanche, il a plutôt calmé les fous nous dit-il. Imaginez la fête que ça a été pour les grands obsessionnels de devoir se laver les mains 20 fois par heure. Le Toc le plus sévère peut passer, désormais, pour une application zélée des gestes barrières ». 

Derrière ce trait d’humour, Emmanuel Carrère plonge dans le quotidien d’un service qui tangue au gré des vagues liées au premier confinement, à celles plus dures et plus nombreuses du déconfinement, à l’effet « jour sans «fin » du second confinement et son cortège de pathologies. Mais « Ce que craignent le plus les psychiatres n’est pas un reconfinement explique l’écrivain, mais un nouveau déconfinement ».

« Ceux qui vont le plus mal dans ces conditions », poursuit Emmanuel Carrère, « ce n’est pas la clientèle habituelle, naturelle, de l’hôpital, mais les étudiants qui affluent aux urgences avec de lourds symptômes dépressifs : aucune représentation positive du futur, la perspective d’une vie de merde (...) Et ce qui est terrible, conclue l’écrivain dans ce reportage littéraire, c’est que cette vision dépressive est tout sauf délirante, mais ressemble fort à une appréciation objective et lucide de la réalité. »

Et le journal le Monde a publié cette semaine un dossier consacré à la réalité des maux qui touchent l’université française

Oui le quotidien met en ligne quatre tribunes qui chacune témoigne différemment du malaise qui s’est emparé du monde universitaire, depuis que les cours des amphithéâtres ont laissé place à la pédagogie en ligne. Pour lutter contre le décrochage l’isolement et la précarité croissante des étudiants, toutes ou presque, appellent au retour à la salle de classe.

« L’enseignemnt désincarné est un simulacre » nous dit la professeure d’anglais Céline Letemplé pour qui c’est dans le contact et dans le regard que se nouent les relations entre professeurs et étudiants, relations cruciales pour l’apprentissage. 

De leur côté, les professeurs de santé publique Jean-Luc Dumas et Pierre Lombrail, avancent un plan de vaccination des étudiants et des personnels les plus fragiles pour permettre la réouverture des universités. « Il est vital, nous disent-ils de prendre en compte les conséquences psychologiques et sociales induites par la lutte contre la diffusion virale pour ne pas oublier des victimes de la pandémie. Les étudiants sont dans un confinement durable de fait, et les plus jeunes sans même avoir encore eu la chance de leur construction sociale à l’université. » 

Dans Libération, la spécialiste des médias Clara Schmelck l’affirme, pour lutter contre la précarité des jeunes, « il faut une allocation de sureté élémentaire » pour les 18-25 ans. Une sorte de revenu universel sur le modèle des grandes écoles publiques où les étudiants obtiennent une avance financière.  « L’allocation distribuée à tous est un facteur de nivellement par le haut mais aussi d’unité sociale » ajoute Clara Schmelck qui nous avertit : « à l’inverse, la paupérisation d’une partie non négligeable de la jeunesse est une bombe à retardement » ... 

Ne pas oublier la jeunesse pour éviter des crises sociales et politiques futures, ré-engager les jeunes dans les processus de décisions démocratiques, c’est aussi le sens de la tribune dans le Figaro de Rafik Smati, président du parti de centre droit Objectif France, qui évoque un poème de Charles Beaudelaire « en pensant, je cite, à la vie de ces enfants du millénaire », poème que je me permets de vous citer à mon tour : « 

Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage ; Traversé çà et là par de brillants soleils ; Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage ; Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils

Il ne nous reste plus à espérer que l’orage que traverse la jeunesse se dissipe avec le printemps.

Par Mattéo Caranta.

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