Cette semaine, plusieurs tribunes s’interrogent sur le renouvellement de la démocratie en France...
À commencer par Challenge qui publie un numéro spécial sur la question, Il faut sauver la démocratie titre la Une du magazine qui a réalisé une enquête sur un peu plus de 10 000 personnes… résultat édifiant: 61 % des français la considéreraient en danger... Et c’est le politologue Dominique Reynié qui analyse les chiffres tirés de cette enquête.
Ou quand l’attachement massif à la démocratie ne signifie pour autant une approbation de son fonctionnement. Avec au centre de cette étude une leçon pour le directeur de la fondation pour l’innovation politique : un rejet « d’une forme de gouvernement qui conduit à diriger la vie des autres sans pouvoir la connaître, en particulier depuis Paris ». Il y a là, pour le membre du club de L’esprit public de France Culture, le germe pour une voie « girondine ». Girondine en référence à ce parti de la révolution française s’opposant au centralisme jacobin. Redistribution du pouvoir vers les élus locaux donc, ou plutôt partage du pouvoir des élus avec les concitoyens selon Dominique Reynié qui conclut « État et société se font face dangereusement. « Seul un profond dialogue pour une redéfinition de cette relation évitera de sombrer dans une nouvelle confrontation ».
Alors quel nouvel horizon politique et institutionnel pour repenser la démocratie ?
Ce contributeur régulier de la revue Esprit puise dans Paul Ricoeur et Max Weber pour dessiner un type d’utopie souhaitable, Non pas celles qui ont mené aux atrocités du XXe siècle, mais celle qui témoigne d’une tension je cite, « entre un absolu souhaitable, et un optimum réalisable ». Autrement dit, celle qui articule une insatisfaction face au présent avec la conviction de « devoir faire » avec autrui et à travers des institutions.
Et pour Jacques Yves Bellay, « cet horizon souhaitable, ce n’est pas la croyance en un avenir radieux, mais la possibilité d’être écoutés » - Voilà qui pourrait paraître bien maigre comme utopie concède l’écrivain, et pourtant, une société où il serait possible de dialoguer est aujourd’hui la principale vertu demandée à la démocratie.
Comment renouveler le dialogue et rendre compte de la parole citoyenne en démocratie, c’est justement l’objet d’une controverse hébergée depuis plusieurs semaines par la revue numérique Telos et le groupe de réflexion Terra Nova...
Absolument, 4 tribunes publiées à trois semaines d’écarts dont deux d’entre elles cette semaine. Chacune répond à la précédente. Un bon exemple d’horizon souhaitable, en tout cas en termes de qualité du débat public. Au départ de cette réflexion où dialoguent le politologue Gérard Grunberg, la sociologue Dominique Schnapper et l’essayiste Thierry Pech lui aussi collaborateur de l’Esprit Public, se trouve l’expérimentation politique représentée par la convention citoyenne pour le climat dont Thierry Pech justement a co-présidé le comité de gouvernance et dont il a publié un compte rendu qui soulève plusieurs questions :
Quelles valeurs donner aux conclusions de la Convention ? Doivent-elles être seulement consultatives ? Doivent-elles au contraire être décisionnelles, ou pour reprendre les mots de Thierry Pech, doivent-elles faire figure d’instance pré-législative ? En d’autres termes, faut-il penser et faire exister un Parlement des citoyens pour palier aux défauts de notre démocratie représentative ?
Pour Dominique Schnapper, vouloir organiser un Parlement des citoyens relève de la démocratie extrême. Si elle concède « l’intérêt de créer un nouvel un espace public, un lieu de la discussion démocratique », se pose pour elle la question de sa légitimité et de sa relation avec les institutions de la République représentative. Un Parlement des citoyens ne saurait être autre que consultatif, estime l'ancienne membre du Conseil constitutionnel.
Au contraire, réaffirme Thierry Pech, « la mobilisation démocratique passe par l’importance donné au travail des participants ». Ne faire des conventions que des instances consultatives ne revient pour l’essayiste qu’a faire la moitié du chemin de l’expérience politique participative. Il faut donc pour Thierry Pech donner une fonction pré-législative à ces conventions. Et le directeur de Terra nova propose des modalités pour articuler la relation entre ce Parlement des citoyens et les pouvoirs exécutifs et législatifs existants.
De son côté Gerard Grunberg s’inquiète des dérives que pourraient comporter de telles expérimentations : « Cela rappelle, la période jacobine, quand les sans-culottes pénétraient dans l’Assemblée, l’incitant fortement à faire « de bonnes lois » estime le politologue qui trouve risquée cette démocratie de l’interaction.
Reste que tous s’accordent sur deux points : d’abord la crise réelle de la représentation et des moyens d’y répondre, et enfin le besoin, précieux, de continuer à en débattre.
Par Mattéo Caranta
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