27 migrants noyés dans la Manche : la presse britannique renvoie la faute sur la France

Sauveteurs en mer britanniques ramenant des migrants et leur canot sur la côte à Dungeness, le 24/11/21
Sauveteurs en mer britanniques ramenant des migrants et leur canot sur la côte à Dungeness, le 24/11/21 ©AFP - Ben Stansall
Sauveteurs en mer britanniques ramenant des migrants et leur canot sur la côte à Dungeness, le 24/11/21 ©AFP - Ben Stansall
Sauveteurs en mer britanniques ramenant des migrants et leur canot sur la côte à Dungeness, le 24/11/21 ©AFP - Ben Stansall
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Ce mercredi, 27 migrants ont trouvé la mort dans le naufrage du canot pneumatique sur lequel ils espéraient rejoindre le Royaume-Uni depuis le Pas-de-Calais. La presse britannique rejette la responsabilité de cette tragédie sur la France accusée de passivité, voire de complicité face aux passeurs.

Que dit la presse britannique au lendemain du naufrage sur la Manche qui a coûté la vie à 27 migrants ?

L'événement fait la une des journaux de l'autre côté du Channel : "tragédie humaine", pour The Daily Mirror, "horreur sur la Manche", pour The I Paper, un "désastre" selon The Telegraph... bref, un drame "honteux" pour reprendre le mot qui barre la une du Sun :

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Car au-delà du gros titre, il y a plusieurs éléments dans les choix éditoriaux faits par le tabloïd qui résument la position de la presse britannique. Le surtitre, d'abord, en forme d'indignation, de question : "Et maintenant, nos dirigeants vont-ils enfin agir ?" On ne nous dit pas d'emblée de quels dirigeants il s'agit, ni dans quel sens on les somme d'agir... mais ça se précise avec le choix de la photo principale : elle a été prise une plage française, et l'on voit des personnes vêtues de gilets de sauvetage tirer un canot pneumatique vers la mer ; un homme, sans gilet lui, semble les inciter à aller plus vite car derrière eux il y a une voiture dotée d'un girophare bleu, un pick-up 4x4 qui est présenté en légende comme un véhicule de la police française en train d'assister, sans rien faire, au départ d'un groupe de migrants semblable à celui qui a fait naufrage quelques heures plus tard. 

Le ton est donné : "La police française regarde paresseusement les canots partir pour le Royaume-Uni", accuse The Sun, rejoint par le (d'ordinaire plus modéré) Daily Mirror qui reprend cette même image de "policiers regardant ailleurs alors que des enfants sont embarqués sur des radeaux de fortune". Le Mirror précise que la photo a été prise sur une plage de Wimereux dans le Pas-de-Calais, et que ce n'est pas le même groupe de migrants qui a fait naufrage ensuite, mais c'était une question d'heure. 

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La France est donc montrée du doigt avec beaucoup d'insistance par les journaux britanniques ce matin . Les tabloïds, bien sûr, frappent plus fort plus que les journaux traditionnels (le réflexe "Blame France", rejettez la faute sur les maudits français, faisant toujours vendre), mais la tendance se confirme aussi en une du Daily Mail et du Daily Express... lesquels reprennent en gros titre la phrase prononcée mercredi 24 novembre par Boris Johnson : "La France laisse les passeurs se laver les mains de leurs meurtres".

Pour aller plus loin dans l'analyse de la situation migratoire autour de la Manche, on lira The Telegraph, qui, bien qu'il reprenne en sous-titre la phrase de Boris Johnson sur cette quasi-complicité de Paris avec les passeurs, partage tout de même les torts avec les autorités britanniques en nous expliquant que "tant que nos deux pays ne se feront pas confiance, il y aura d'autres drames" comme celui d'hier, qui n'était "pas vraiment une surprise", au vu de l'accélération des tentatives de passage ces derniers mois et de l'inaction, des deux côtés de la Manche, des autorités à empêcher ces morts si prévisibles.  

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Pour le député libéral Alistair Carmichael (à lire dans The Independent), le naufrage du 24 novembre et ses 27 morts est "le coût, tragique, du jeu de postures politiques auquel se livrent Londres et Paris", des décideurs incapables de sécuriser vraiment un droit et des routes pour les demandeurs d'asile qui convergent vers l'Europe et le Royaume-Uni, incapables de combler ce "vide juridique" qui rend les migrants si vulnérables aux passeurs et aux profiteurs de misère en tous genre. Et Alistair Carmichael d'ajouter : "Si nos dirigeants politiques étaient seulement capables de ressentir quel niveau de désespoir il faut avoir atteint pour confier la vie de son enfant, et la sienne, à un canot dégonflé sur les eaux glacées de la Manche", alors peut-être ils comprendraient à quel point il est dérisoire de toujours blâmer le voisin ou le passeur, et d'imaginer s'opposer à cet élan de survie absolue qu'est le mouvement migratoire.    

The Guardian d'ailleurs enfonce le clou en écrivant que "ces morts en Zodiac nous remettent sous le nez le résultat de notre hostilité au désespoir du monde", le fait notamment que l'Europe a rendu impraticables, à coup de barbelés et de contrôles policiers, les autres voies de passage terrestre, comme elle a rendu quasi impossibles les recours légaux normalement prévus par le droit d'asile. "En pensant dissuader les candidats à l'immigration, elle les expose à plus de danger mortel encore".  

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Et le même Guardian ne se fait pas d'illusions : le choc et l'indignation ressentis depuis hier outre-Manche ont peu de chance de pousser les conservateurs au pouvoir à adoucir leur politique en matière d'accueil. Selon l'analyste politique Heather Steward, "la seule boussole du gouvernement Johnson, c'est la une des tabloïds", et donc la nécessité d'éviter à tout prix qu'on y montre des images de migrants débarquant côté britannique. Quitte à imaginer - et cela a vraiment été le cas - des "machines à vagues" pour repousser les embarcations loin des côtes du Kent. L'option heureusement n'a pas été retenue, mais à voir les unes de la presse britannique ce jeudi 25 novembre, on imagine dans quel état d'esprit doit être Boris Johnson... et l'on se dit qu'on est pas à l'abri d'un retour de ce genre d'idée dans les jours qui viennent.

Egalement dans l'actualité européenne, le mandat de Premier ministre le plus court de l'histoire pour la suédoise Magdalena Andersson. 

Oui ça a été l'ascenseur émotionnel ce 24 novembre dans les colonnes du quotidien de Stockhölm Aftonbladet : le matin, il se réjouissait de cette avancée historique (quoique tardive) pour la Suède qui voyait nommée pour la première fois une femme au poste de Premier ministre. La journée commençait donc sur une note plutôt positive... sauf que sept heures et demi plus tard, la dirigeante sociale-démocrate présentait sa démission au président du Parlement suédois parce qu'elle venait d'être mise en minorité pour son tout premier vote de budget : les députés centristes qui faisaient partie de cette nouvelle majorité ont refusé de voter la loi de finance de Magdalena Andersson**.**... Au finale, c'est donc le budget amendé par l'opposition de droite et d'extrême-droite qui a été adopté, et les Verts, autres alliés en principe de la Première ministre, ont refusé de rester dans un gouvernement qui appliquerait cette règle budgétaire-là.

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D'après Politico, la politique suédoise a beau être un peu chaotique ces derniers temps, là il faut quand même reconnaître qu'on a atteint hier un niveau de n'importe-quoi sans précédent. Alors bien sûr, la partie ne s'arrête pas là pour Madgalena Andersson qui devrait revenir face au Parlement bientôt pour essayer de faire voter la confiance, cette fois, pour un gouvernement minoritaire composé uniquement de ministres issus de son parti social-démocrate, sans donc le parti de gauche et les Verts qui s'engageraient à ne pas voter contre elle, mais sans refaire l'erreur de s'engager au sein du gouvernement. 

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Ce n'est pas cela qui va consolider le pouvoir en Suède, au moins jusqu'aux élections de l'an prochain ajoute le Göteborgs Posten selon qui "la faute dans cette affaire est surtout du côté des sociaux-démocrates" qui ont élaboré le programme de gouvernement "en solitaires", et ont ensuite dû faire des concessions au parti de gauche pour qu'il accepte d'embarquer dans la coalition, mais se sont retrouvés du coup avec un parti du centre vexé, lui, de ne pas avoir eu autant voix au chapitre. Je ne sais pas comment on dit "gauche plurielle" en suédois, mais en tous cas, cela n'a pas l'air beaucoup plus facile à mettre en œuvre que chez nous en France...