Un sénateur américain bloque à lui seul 1 700 milliards de dollars d'aides sociales et environnementales

Le sénateur démocrate américain Joe Manhcin à Washington, le 14/12/21
Le sénateur démocrate américain Joe Manhcin à Washington, le 14/12/21 ©AFP - Anna Moneymaker
Le sénateur démocrate américain Joe Manhcin à Washington, le 14/12/21 ©AFP - Anna Moneymaker
Le sénateur démocrate américain Joe Manhcin à Washington, le 14/12/21 ©AFP - Anna Moneymaker
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Une seule voix manque au Sénat US pour voter le plan colossal de mesures de lutte contre la pauvreté et le réchauffement climatique de Joe Biden, et c'est celle du sénateur démocrate Joe Manchin. En Turquie, le président Erdogan accepte de remonter les taux d'intérêts tout en affirmant le contraire.

Un homme, seul contre tous, retient l'attention de la presse américaine.

Cet homme, c'est le sénateur démocrate de Virginie-Occidentale Joe Manchin, au cœur du débat politique depuis que dimanche, sur Fox News, il a annoncé très clairement qu'il ne votera pas en faveur du plan "Build Back Better" (soit "reconstruire, mais en mieux"), ce paquet de réformes sociales et environnementales chiffré à plus de 1 700 milliards de dollars d'investissements et de dépenses publiques qui est censé être la pierre angulaire de toute la présidence Biden.  

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Le sénateur démocrate explique donc sur la très pro-républicaine Fox News qu'il "n'arrive pas à défendre Build back Better auprès des électeurs de son État" considéré comme plutôt conservateur... et donc qu'il ne peut pas voter en faveur d'un texte qu'il ne soutient pas malgré tous ses efforts, malgré ses discussions sur le sujet avec le président Biden, il ne votera pas le texte au Sénat. "C'est un non", répète-t-il, et comme les démocrates ont tout juste la majorité au Sénat, cette seule voix manquante de Joe Manchin va bloquer l'adoption du texte suscitant l'incompréhension et la colère d'une grande partie de la presse libérale. 

Dans le New York Times, le Prix Nobel d'économie Paul Krugman parle de "trahison" par Manchin d'une promesse qu'il avait fait à Joe Biden et à son parti de voter le plan, accusant le sénateur d'avoir atteint "un niveau de cynisme politique où même la parole donnée n'a plus de valeur". Krugman fait surtout la liste de tout ce que l'Amérique et les Américains vont perdre si le plan Build Back Better n'est pas voté : "Des millions d'enfants de familles pauvres condamnés à des soins de santé insuffisants et à des salaires de misère une fois devenus adultes ; des millions d'adultes condamnés à la ruine s'ils tombent malades faute d'avoir une couverture maladie décente ; des millions encore condamnés à contracter des troubles respiratoires prématurés à cause de la pollution de l'air, sans même parler des conséquences à venir du réchauffement climatique". 

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Vous me direz que c'est prêter beaucoup de vertus au plan voulu par l'administration Biden, mais, insiste Paul Krugman, ce sont là les effets à long terme d'une vraie politique d'aides sociales aux plus démunis pour les sortir de la pauvreté et de lutte contre la pollution et les gaz à effet de serre. 

Le même New York Times, d'ailleurs, s'est replongé dans les liens troubles qu'entretient le sénateur Manchin avec le lobby du charbon notamment, dans cet état minier de Virginie-Occidentale où il est élu, pour prouver que l'homme le plus détesté aujourd'hui dans le camp démocrate a un long passé d'obstruction aux mesures pro-environnement.   

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Cela fait beaucoup de reproches pour un seul homme... mais heureusement le magazine The Week trouve des excuses à Joe Manchin en expliquant, sous la plume de Samuel Goldman, que "Joe Manchin n'a pas évolué sur ses positions : c'est le Parti démocrate qui a bougé", comprenez en opérant un virage à gauche, social et environnemental, sous la pression de son aile progressiste. Le plan "Build Back Better" en serait la preuve, jugé trop cher et trop interventionniste dans un contexte où le Covid-19, l'inflation et le creusement de la dette publique américaine interdiraient de telles dépenses. 

Mais justement, c'est dans le camp progressiste que les critiques contre le sénateur Manchin sont les plus féroces depuis dimanche... The Nation rappelle à quel point les proches de Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez ont, ces dernières semaines, accepté de renoncer à des pans entiers du plan pour l'édulcorer et gagner la voix de parlementaires démocrates centristes comme Joe Manchin. Alors, voir ce dernier saboter malgré tout le vote du texte, c'est trop de pouvoir accordé à un seul homme, clame-t-on à gauche.

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Dans le Wall Street Journal, on apprend que le chef de la majorité démocrate au Sénat, à l'appel de Bernie Sanders notamment, veut tout de même organiser le vote sur Build Back Better en janvier pour obliger Joe Manchin à assumer son choix et sa responsabilité face à tout le pays... Et pour le moment, c'est le Washington Post qui a le dernier mot, avec son éditorial résolument optimiste où l'on nous explique que le sénateur Manchin, en se montrant définitif dans son refus sur FoxNews, a peut-être jeté son va-tout dans les négociations avec son parti pour faire émerger une version du texte qui pourra dégager une vraie majorité au Sénat. Un texte de compromis au centre, en acceptant par exemple de réduire la facture globale du plan et la durée de ses mesures dans le temps, pour apaiser les craintes inflationnistes du sénateur. Reste à savoir ce qu'il restera des ambitions de l'administration Biden, à la fin de ce grand marchandage pour une seule voix.

En Turquie, le président Erdogan aurait-il renoncé à sa politique économique de baisse forcenée des taux d'intérêts ?

Cela fait des semaines que la valeur de la lire turque plonge face au dollar et à l'euro ; moins 45% en moins en moyenne depuis début novembre nous dit Bloomberg, parce que la banque centrale du pays, sous l'impulsion de Recep Tayyip Erdogan, a baissé par cinq fois déjà son taux directeur, au grand dam d'à peu près tous les économistes et investisseurs. Elle l'a fait officiellement pour favoriser la croissance et l'emploi dans son pays, mais au prix d'une inflation galopante et donc de taux de change qui entaillent dangereusement le pouvoir d'achat des ménages turcs. 

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Pour résumer avec ce titre du Guardian, "En Turquie il y a du travail, mais il n'y a plus d'argent", et ce week-end encore le président Erdogan affirmait qu'il comptait poursuivre sa baisse des taux d'intérêts, car explique-t-il, "c'est ce que doit faire un bon musulman", référence à la règle affirmée par le Coran où il est dit que l'islam interdit l'usure ; le fait de prélever des intérêts quand on prête de l'argent.  

Or donc, lundi matin après ces déclarations, le taux de change de la lire turque a encore perdu plus de 10% nous dit le Financial Times... mais l'affaire a connu un autre rebondissement à la mi-journée quand le président en personne a annoncé un dispositif de compensation des pertes que sa politique engendre chez les Turcs qui gardent leur épargne en monnaie nationale et non en devises étrangères. 

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Ce mécanisme encore très flou dans son fonctionnement a surtout le mérite de permettre à Erdogan en façade de continuer à baisser les taux d'intérêts (ils sont actuellement à 15% et l'homme fort d'Ankara affirme vouloir les réduire encore jusqu'à 4%), à respecter donc la doctrine islamique à laquelle il affirme tant tenir, tout en finançant en parallèle une politique de compensation des pertes qui constitue en fait selon les économistes cités par le quotidien italien Il Sole 24 Ore,  une hausse des taux d'intérêts qui ne dit pas son nom.