Prison à perpétuité pour le "Soros Turc"

Avocats et défenseurs des droits de l'Homme réunis devant le tribunal pour soutenir Osman Kavala avec des pancartes disant : "La résistance Gezi continue"
Avocats et défenseurs des droits de l'Homme réunis devant le tribunal pour soutenir Osman Kavala avec des pancartes disant : "La résistance Gezi continue" ©AFP - OZAN KOSE
Avocats et défenseurs des droits de l'Homme réunis devant le tribunal pour soutenir Osman Kavala avec des pancartes disant : "La résistance Gezi continue" ©AFP - OZAN KOSE
Avocats et défenseurs des droits de l'Homme réunis devant le tribunal pour soutenir Osman Kavala avec des pancartes disant : "La résistance Gezi continue" ©AFP - OZAN KOSE
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En prison depuis plus de quatre ans, Osman Kavala vient d'être condamné à la perpétuité alors que la Cour européenne des droits de l'Homme demande sa libération depuis 2019. Elon Musk, homme du jour alors qu'il vient de reprendre Twitter.

En Turquie, la justice a condamné lundi 25 avril plusieurs figures de la vague de protestation de 2013, dit mouvement de Gezi, du nom du parc Taksim Gezi, que des manifestants avaient cherché à sauver de la destruction, car un projet urbain prévoyait de le raser. Ils étaient plusieurs lundi 25 avril sur le banc des accusés, mais la condamnation la plus lourde a été prononcée contre Osman Kavala, un homme d'affaire détenu depuis plus de quatre ans et demi. Le président Erdogan l'appellerait le "Soros turc", en référence au financier milliardaire américain d'origine hongroise et bête noire d'Orbán en Hongrie.

Yeux clairs, cheveux frisés, chemise blanche, l'homme de 64 ans, entrepreneur et mécène philanthrope est en prison depuis 1 638 jours titre le site turc Diken, qui retrace ses contestables démêlées judiciaires.

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Osman Kavala a été arrêté en 2017, mais la raison de sa détention n'est alors pas connue du public, explique d'emblée le site en ligne, car l'enquête est déclarée confidentielle.

Depuis 2019, la Cour européenne des droits de l'Homme ordonne sa libération immédiate. En 2020, il comparait pour tentative de renversement du gouvernement, il fût acquitté, mais immédiatement remis en prison. S'en est suivie une série de procès et de détentions, à chaque fois pour de nouveaux motifs.

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En 2021, le Conseil européen rappelle à la Turquie que la libération de Kavala n'était pas une demande mais une exigence de droit contraignant. À l'automne 2021, son cas déclenche une crise diplomatique, Ankara menaçant d'expulser une dizaine d'ambassadeurs occidentaux, dont celui des États-Unis.

La semaine dernière, Osman Kavala a donc comparu avec 7 autres co-accusés, et le verdict est tombé ce lundi 25 avril : une condamnation à perpétuité, aggravée pour tentative de renversement du gouvernement pour Kavala, 18 ans pour les 7 autres, dont la peine a été allégée car considérés comme complices.

Le pouvoir judiciaire est devenu un levier politique selon les avocats de la défense, titre le quotidien de gauche Birgun. "Cette décision est une provocation, considère l'un d'eux. C'est une décision qui provoque Gezi et la jeunesse, la classe ouvrière et tous ceux qui ont résisté à Gezi".

"Nous avons dit que nous étions là pour l'eau, les arbres, le parc, l'espace public et les libertés de ce pays, s'indigne un autre avocat. Les juges ont dit que Gezi était un coup d'état, financé par l'extérieur".

Huriyet,* le site * Haber sol, Arti Gersek... les médias qui résistent encore à l'auto-censure se font l'écho de l'indignation, de la condamnation, de l'appel à la résistance de l'opposition et des syndicats.

Au milieu de tout cela, un titre en une de CumHuriyet, apparaît presque irréel. C'est une citation du président Erdogan : "La confiance dans le pouvoir judiciaire augmente".

Erdogan recevait ce même lundi 25 avril les représentants de la haute magistrature du pays. Le journal cite in extenso, et sans aucun commentaire, certaines parties de son discours. Erdogan y explique que les sociétés qui ne "savent pas résoudre leurs problèmes de justice ont du faire face à de nombreuses crises, dont les conflits internes et des occupations" mais que "la Turquie ayant fait une percée en matière de démocratie et de développement ces vingt dernières années, elle a réussi à se tenir hors de ce cercle de feu".

On ne peut pas être plus aux antipodes de la réalité, et on y retombe car on trouve aussi dans la presse turque, des comptes-rendus de la rencontre d'Erdogan avec António Guterres, le secrétaire général de l'ONU. C'était hier lundi 25 avril, ce qui vient nous rappeler que la Turquie est le pays sur lequel compter pour faciliter les pourparlers de paix entre la Russie et l'Ukraine.

Inquiétudes sur les projets d'Elon Musk pour Twitter

Dans la presse internationale, l'homme du jour est Elon Musk, le patron de Tesla qui a réussi à s'emparer de Twitter.

De Nikkei Asia, à Aljazeera, en passant par les médias turques, jusqu'au Brésil, le visage d'Elon Musk est omniprésent.

Qu'un milliardaire s'empare d'un média ou d'une plateforme médiatique influente, cela n'a rien d'extraordinaire rappelle le site Asia Nikkei. Et de citer, Rupert Murdoch rachetant le New York Post en 1976 et le Wall Street journal en 2007, ou plus récemment, Jeff Bezos, le patron d'Amazon mettant la main sur le mythique Washington Post en 2013.

Twitter doit bientôt publier ces résultats trimestriels, apprend-on dans le New York Times. Le réseau social devrait dégager un bénéfice de 40 millions de dollars, cependant ce n'est pas pour l'argent qu'Elon Musk rachète Twitter, mais bien parce que, comme le justifie un communiqué publié lundi 25 avril, "La liberté d'expression est le socle d'une démocratie qui fonctionne, et que Twitter est la place publique numérique où les sujets vitaux pour le futur de l'humanité sont débattus".

Avec Elon Musk aux commandes, c'est de début de la fin pour le hashtag "Black Twitter" s'inquiète le Los Angeles Times.

Elon Musk, le fondateur d'une entreprise que la Californie poursuit pour avoir prétendument fait taire des milliers d'employés qui se sont plaints de racisme, achète une entreprise qui a donné à des millions de Noirs une voix semblable à un mégaphone pour se plaindre du racisme. Erika Smith, chroniqueuse à Los Angeles Times.

"Considérez ceci comme le début de la fin de #blacktwitter, pas de Noirs sur Twitter" poursuit la chroniqueuse, "mais de la communauté de millions de personnes qui a su transformer un média social naissant en outil indispensable pour l'activisme, le pouvoir politique et le changement dans le monde réel".

#BlackLivesMatter, #ICantBreathe furent le cri de ralliement après le meurtre de George Floyd en 2020. #OscarsSoWhite a poussé l'Académie des arts et des sciences du cinéma à évoluer, relate la chroniqueuse.

Pourquoi cela cesserait, alors qu'Elon Musk dit vouloir, au contraire, moins de censure sur Twitter ?

Erika Smith se fait l'écho des nombreux tweets d'inquiétude. "Où nous retrouvons nous lorsque nous quittons Twitter demande l'un ?". "C'était agréable de vous connaître tous" dit un autre, "maintenant qu'un homme sud-africain blanc devient propriétaire de Twitter. Au revoir. Rest in peace Twitter".

L'article revient en détail sur la poursuite dont fait l'objet Tesla, pour discrimination raciale. Le deuxième problème, c'est que "d*'éminents suprématistes blancs qui ont été expulsés de la plate-forme pour une bonne raison pourraient y revenir"*.

La personnalité d'Elon Musk inquiète aussi les salariés de Twitter à qui le Wall Street journal donne la parole. Ils ont tous été réunis lundi 25 avril, et leur direction leur a expliqué avoir accepté l'offre d'Elon Musk pour "maximiser les rendements pour les investisseurs de Twitter". L'actuel PDG a admis qu'il n'avait aucune idée de la direction dans laquelle l'entreprise pourrait aller.

Sa privatisation, autrement dit sa sortie de la bourse, et donc d'un actionnariat public pourrait être bénéfique a dit l'ancienne direction, car "la pression publique a toujours ralenti l'entreprise".

"La présence démesurée de M. Musk sur Twitter, où il compte plus de 80 millions d'abonnés, et son historique d'utilisation de la plate-forme pour viser des personnes avec lesquelles il n'est pas d'accord, amplifient les questions des employés sur sa propriété imminente" écrit le quotidien économique.

Cela va favoriser les embauches, dit l'un des salariés, persuadé que de nombreux employés vont démissionner. Sur la messagerie interne de l'entreprise s'échangeaient déjà ce lundi 25 avril des interrogations sur ce que ce rachat pourrait changer pour les employés LGBTQ et les plans de diversité de l'entreprise.

Elon Musk a t-il conscience qu'il entre dans un nid de guêpe, écrit l'éditorialiste du Wall Street journal qui conclue visiblement amusé et impatient : "Il serait fascinant de voir Elon Musk briser la culture de conformité progressiste de la Silicon Valley... "

Les attentes dans le clan conservateur sont visiblement grandes à son endroit.

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