Deux jeunes vedettes de l'internet sud-coréen se sont suicidées récemment, posant la question des ravages du cyberharcèlement et des violences antiféministes en Corée où les tensions de genre sont attisées par l'élection présidentielle. En Israël, Benjamin Netanyahu sauvé par le scandale Pegasus ?
La Corée du Sud s’émeut d’une vague de suicides chez des personnalités victimes de cyberharcèlement.
Rien que cette semaine écoulée, alerte l’agence Yonhap depuis Séoul, deux célébrités des réseaux sociaux sud-coréens se sont donné la mort, alors qu’il et elle subissaient des attaques incessantes de personnes malveillantes sur internet.
Lui était joueur de volley-ball professionnel : Kim In-Hieok, 27 ans. Depuis des mois il subissait le harcèlement d’internautes qui moquaient ses attitudes jugées trop féminines dans les vidéos qu’il postait, faisaient courir des rumeurs sur sa soi-disant homosexualité, sur le fait qu’il se maquillerait ou qu’il serait un homme transgenre. De tout cela, le sportif s'est toujours vigoureusement défendu, car ce sont des accusations encore trop souvent considérées comme déshonorantes en Corée du Sud. Mais ce cyberharcèlement incessant aura fini par le faire sombrer dans la dépression, pour en arriver au suicide.
Elle, poursuit Yonhap,* c’était la vidéaste Cho-Jang-Mi, 27 ans. Elle aussi, connue pour sa chaîne sur la plateforme de streaming Twitch où elle se filmait en train de parler de jeux vidéos et de sa vie quotidienne. Elle qui se faisait appeler BJ Jammi sur les réseau sociaux n’a plus supporté, non plus, les avalanches de commentaires haineux qui étaient postés en commentaire de ses messages. Le quotidien * Hankyoreh, raconte que cela a commencé en 2019 quand, dans une vidéo anodine, BJ Jammi avait fait un signe, un C avec la main, qui avait été interprété par certains spectateurs comme un signe de ralliement féministe indiquant que la jeune femme était une "man-hater, une femme qui déteste les hommes" comme elle a depuis été qualifiée par ses harceleurs.
La campagne d’humiliation sur les réseaux avait pris une telle ampleur à l’époque, indique la BBC, que l’année suivante, en 2020, la mère de la youtubeuse qui gérait les commentaires postés sur sa fille s’était elle aussi suicidée. BJ Jammi, depuis, avait sombré dans un profond mal-être, elle avait imploré ceux qui regardaient ses vidéos de faire cesser les attaques, mais rien n’y a fait, donc jusqu’à samedi dernier où elle a été retrouvée morte chez elle.
Le suicide a connu une forte hausse ces dernières années chez les jeunes en Corée du Sud : d’après le site The Korea Bizwire, "le taux de suicide a connu en quatre ans une hausse de 32% chez les jeunes dans la vingtaine en Corée du Sud", avec une hausse particulièrement sensible et inquiétante chez les jeunes femmes qui subissent toujours beaucoup de violences sexistes, de discriminations et d'empêchements dans leurs vies professionnelles et personnelles…
Les deux récents suicides, par leurs causes et les personnalités populaires qu’ils ont frappé, résonnent donc particulièrement fort dans la société sud-coréenne. Une pétition en ligne postée le week-end dernier a déjà atteint 150 000 signatures : elle appelle la police et la justice à s’attaquer enfin au drame du cyber-harcèlement dont sont particulièrement victimes les gays et les femmes sur internet, et à mettre hors d'état de nuire ces hordes de mâles harceleurs qui sévissent, bien protégés par leur anonymat numérique.
Mais il faut surtout savoir qu’en Corée du Sud il y a depuis quelques années un regain de haine de certains hommes contre ce qu’ils considèrent comme un péril féministe. Un courant masculiniste très virulent accuse l’État et les femmes d’en vouloir au genre masculin en particulier, de traiter tous les hommes comme des criminels, et de menacer ainsi les fondements traditionnels de la société sud-coréenne. C’est clairement une réaction, un contrecoup au mouvement féministe qui, comme un peu partout, a progressé en Corée du Sud ces dernières années, remettant en cause le carcan très strict pour les femmes de la société patriarcale sud-coréenne.
Selon un rapport très éclairant que vient de publier sur son blog le think-tank américain Council of Foreign Relations, la campagne en vue de l’élection présidentielle du 9 mars met clairement de l’huile sur le feu de ce conflit entre les genres, ou en tous cas entre ce courant anti-féministe et le reste du monde. Avec en particulier un parti conservateur sud-coréen, le PPP, qui n’hésite pas à alimenter cette haine ambiante pour gagner des voix.
En Israël : le procès pour corruption de l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu a été reporté sine die ce mardi 8 février.
Et pourtant, il est d’une importance considérable pour le pays : ce premier procès plonge dans les profondeurs du système Netanyahu. The Washington Post, rappelle qu'il s’agit de savoir si, comme il en est accusé, Benjamin Netanyahu a - ou non - passé un accord avec des groupes de communication et de presse israéliens pour les laisser détourner d’énormes sommes d’argent public en échange d’une couverture favorable au dirigeant politique dans leurs médias.
Or, ce procès historique et tant attendu a été ajourné ce mardi 8 février - pour la plus grande joie de la défense - parce qu’une énorme affaire d’espionnage secoue le monde politique israélien, et va peut-être offrir une porte de sortie inespérée à l'ancien chef du gouvernement pour échapper à la justice de son pays.
L’affaire en question, révélée lundi 7 février par le quotidien économique Calcalist, révèle que la police et les services secrets d’Israël ont utilisé sans la moindre autorisation judiciaire le logiciel d’espionnage Pegasus pour infiltrer et écouter les téléphones portables de nombreuses personnalités, journalistes, militants, hauts-fonctionnaires… et politiques, avec, parmi elles, des proches de Netanyahu dont son propre fils et l’un des co-accusés à son procès.
C’est là qu’on en revient au procès, explique le journal de gauche Ha’aretz : les avocats de la défense se sont jetés sur cette occasion pour contester la validité de plusieurs preuves apportées contre leur client, car elles pourraient provenir de certaines de ces écoutes clandestines. Cela pose la question du statut juridique de ces preuves obtenues par des moyens illégaux : la justice israéliennes ne les disqualifient pas d’office, comme c’est le cas aux États-Unis, mais c’est en général aux juges d’estimer si la valeur de ces preuves est telle que cela mérite de fermer les yeux sur leur provenance frauduleuse. C’est ainsi qu'ils ont suspendu les audiences, sans préciser - pour le moment - de date de reprise du procès.
Mais déjà, l’ampleur du séisme généré par cette nouvelle affaire Pegasus en Israël suscite un vrai paradoxe : on ne sait réellement ce que Benjamin Netanyahu savait de ces espionnages en haut-lieu, et s’il avait donné son feu vert à certains, ce qui est loin d’être improbable. Au final, le scandale pourrait bien jouer en sa faveur face à la Justice.
L'équipe
- Production