Couleur "Primaires"

Le candidat républicain Ted Cruz devant ses partisans
Le candidat républicain Ted Cruz devant ses partisans ©Reuters - Carlos Barria
Le candidat républicain Ted Cruz devant ses partisans ©Reuters - Carlos Barria
Le candidat républicain Ted Cruz devant ses partisans ©Reuters - Carlos Barria
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Y aura-t-il des primaires à gauche ? Quid des primaires à droite ? Et aux États-Unis, que va-t-il sortir ce soir du premier caucus dans l'état de l'Iowa. D'un côté de l'Atlantique à l'autre, toute la presse s'est mise aux couleurs "primaires"

C’est amusant, ce mot « primaire » que l’on entend dans toutes les bouches depuis quelques temps, à droite comme à gauche, et qui a envahi vos journaux ce matin… c’est très polysémique, « primaire », si on y songe… c’est très premier degré… faut-il en conclure que les débats politiques qui président à la tenue, ou non, d’une ou de plusieurs primaires le sont eux-mêmes… des débats « primaires »… ?

« Bien sûr, l’échec de François HOLLANDE et le retour poussif de Nicolas SARKOZY contribuent à alimenter cette pré-campagne lourde d’arrière pensées, écrit Rémi GODEAU dans l’Opinion. (…) Sans compter que la vacuité idéologique des partis ouvre le champ à toutes les revendications doctrinales. Et puis les Français plébiscitent cette nouvelle modalité électorale, comme si choisir leurs candidats pouvait conjurer leur désenchantement. »

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Alors cette primaire, souhaitée mais peu probable à gauche, et qui cristallise les batailles d’égo à droite, est-elle vraiment une façon de rabaisser la politique à des considérations primaires ?

« La montée du Tout sauf HOLLANDE » titre l’Opinion… François HOLLANDE attaqué sur tous les fronts » titre pour sa part le Figaro… « Le débat sur la primaire à gauche est de ce point de vue inquiétant pour celui qui est, en théorie, le candidat naturel de son camp. Plus la probabilité d’un tel processus est faible, plus le débat fleurit, preuve que sa vraie finalité est d’affaiblir le chef de l’Etat », estime Guillaume TABARD.

Pierre LAURENT ne dit pas autre chose dans les colonnes de l’Humanité. « François HOLLANDE n’est ni le candidat naturel, ni le candidat légitime de la gauche en 2017 », explique le Premier Secrétaire du Parti Communiste dans une interview… Pierre LAURENT qui reconnaît dans la foulée que « toutes les questions sont là : personne ne sait si cette primaire est possible, son périmètre n’est pas défini, les risques de personnalisation au détriment du débat de projet existent… »

« On rêverait, conclut Rémi GODEAU, que nos virtuoses de la parole abandonnent leur joute égocentrée pour une réflexion plus poussée sur la méthode. »

Primaire, en américain ça se dit « caucus »

Libération ose même ce titre : « L’Amérique ne pense caucus »… à propos du vote qui aura lieu ce soir dans l’état de l’IOWA, premier état à lancer le marathon des primaires et à la désignation des candidats démocrates et républicains…

Cet exercice de transparence politique, de premier degré hein, étymologiquement, ne serait pourtant pas aussi démocratique qu’il n’y paraît… c’est en tout cas l’avis du Parisien, qui explique que ce caucus de l’IOWA, est une tradition anachronique…

« Si les trois millions d’habitants de l’IOWA sont aussi courtisés, ce n’est pas parce que leur voix compte : ils n’enverront que 6 grands électeurs sur 538. Ce n’est pas non plus parce qu’ils sont représentatifs : l’IOWA est blanc à 92%, et seulement 16% du corps électoral participe au caucus. En clair, un candidat peut être déclaré vainqueur avec seulement 3% des voix des électeurs de l’Etat. »

C’est également l’opinion de Médiapart, dans le premier article de sa série « au cœur de primaires », titré « Pourquoi tant d’inepties », le journal en ligne explique comment cet exercice donne en fait la part belle aux déclarations à l’emporte pièce et aux coups de menton, pour faire grimper les côtes de popularité de chaque candidat.

Tous les journaux s’accordent néanmoins pour dire que ce premier caucus de l’IOWA est l’occasion pour les outsiders de faire leurs preuves… « De TRUMP à SANDERS, les outsiders en tête d’affiche » pourrez-vous lire dans Libération, qui explique comment le milliardaire et le socialiste incarnent tous les deux le rejet des élites traditionnelles.

C’est également ce que résume ce matin l’Humanité, dans son article intitulé « SANDERS et TRUMP, figures de la double radicalisation »… le journal montre, graphique à l’appui, comment en 20 ans les électeurs républicains sont de plus en plus « à droite », c’est-à-dire sensibles aux thèses les plus conservatrices… tandis que, dans le même temps, les électeurs démocrates sont eux de plus en plus à gauche, c’est-à-dire sensibles aux thèses progressistes.

Ce que Les Echos résument ainsi… « Au printemps dernier, quand les premiers candidats à la Maison Blanche sont sortis du bois, quelques évidences semblaient s’imposer : « les outsiders comme Donald TRUMP ou Bernie SANDERS seraient vite marginalisés, un duel entre Jeb BUSH et Hillary CLINTON était inévitable. » Mais « Rien ne s’est passé comme prévu »… tiens… « Rien ne se passe comme prévu »… ça ne vous rappelle rien ?

Primaires américaines et primaires françaises : même combat ?

C’est en tout cas la thèse que défend Dominique MOÏSI dans les Echos, dans sa chronique intitulée : « Etats-Unis-France : la même schizophrénie de l’électorat ». Dominique MOÏSI qui explique que dans les « Etats-Unis de 2016, il existe des tendances fortes et contradictoires : colère et rejet d’un côté, appréhension et besoin d’être rassuré de l’autre. Une forme de schizophrénie démocratique d’autant plus intéressante à constater qu’elle évoque de manière troublante la situation qui est celle de la France, un peu plus d’un an avant sa propre élection présidentielle. »

Avec d’un côté, Donal TRUMP dont les excès langagiers et les solutions simplistes rappellent ceux de Jean-Marie et Marine LE PEN… « Assez d’immigrés, assez de différence, restons entre nous »… « Mais ce mélange de peur et de colère s’accompagne à part égale d’une volonté d’être protégé du monde, écrit encore Dominique MOÏSI. Ainsi, aux Etats-Unis comme en France, les candidats qui apparaissent comme les favoris des sondages d’opinion » sont ceux qui sont perçus comme étant à même de rassurer, comme Hillary CLINTON ou… Alain JUPPE.

« Bien sûr, le vote n’est pas fondé sur des critères strictement objectifs et rationnels, conclut Dominique MOÏSI. (…) tout reste à jouer des deux côté de l’Atlantique, avec une interrogation majeure qui unifie toutes les sociétés démocratique : Les qualités nécessaires pour être élu sont-elles celles requises pour gouverner ? »

Une question beaucoup moins primaire qu’il n’y parait.

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