par Thomas BAUMGARTNER
Mettons la main sur le front, comme une visière de casquette… La main en visière,
comme une bonne partie de la presse française ce matin.
La main en visière pour voir à l’horizon, manifestement, Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du Parti socialiste, l’a aussi, dans le Figaro ce matin.
Il annonce : « Le vieux Parti socialiste, c’est terminé ». Il parle d’une « nouvelle donne de la gauche » et vise manifestement les transfuges récents d’Europe écologie. Oui la main en visière, il l’a sans doute, pour voir dans trois mois les élections régionales se profiler.
Mais dans le même journal, Le Figaro, d’autres gens l’ont aussi la main en visière, d’autres gens de la même tendance politique, puisqu’il s’agit du groupe de réflexion Terra Nova,
proche des socialistes, qui regarde lui du côté des 19 et 20 octobre et de la conférence sociale qui est annoncée à ces dates-là.
«* Le think tank du PS veut dynamiter le Code du travail* », titre sobrement le Figaro sur deux pages. Il se trouve que l’avocat Jacques Bathélémy et l’économiste Gilbert Cette signent pour Terra Nova un rapport sur la refonte du Code du travail. Un Code du travail jugé en l’état trop compliqué et illisible.
Les deux hommes proposent que « les accords au niveau de l’entreprise entre l’employeur et ses représentants du personnel fixent l’essentiel des règles du jeu en matière l’organisation du travail, de seuils sociaux, de rémunérations, etc… »
« Point capital », ajoute Cécile Crouzel du Figaro, « ces accords d’entreprise, voire de branche, pourront déroger au Code du travail » - donc à la loi.
Il est aussi question d’un Smic qui pourrait varier selon les zones géographiques et les âges.
Le gouvernement ne va pas si loin, nous rappelle-t-on, mais il « affirme sa volonté d’avancer » sur le sujet.
Myriam El Khomri, la nouvelle ministre du travail, n’aura pas besoin de mettre sa main en visière pour apercevoir ce dossier explosif sur son bureau.
La main en visière, ça sert à voir au loin devant soi, mais aussi derrière…
Ça sert à voir une fois en arrière, une fois en avant, et à comparer…
Dans Libération, on regarde en arrière en 2012 quand François Hollande promettait 60 000 postes créés dans l’Education. Et on regarde en 2017, qui est la date butoir de cette promesse – réaffirmée encore avant-hier par le Président de la République.
«* Au 1er septembre, le compteur du ministère de l’Education nationale affichait 31 627 postes créés depuis le début du quinquennat »* , mais « en cette rentrée », explique Marie Piquemal qui signe le dossier, « sur ce nombre d’enseignants, 24 300 sont encore en formation », donc seulement la moitié du temps devant les élèves . »
« Pourquoi les profs ne voient-ils pas le changement sur le terrain ? », demande Libé.
Réponse : à cause de la démographie ! « Entre 2007 et 2016, 260 000 enfants supplémentaires [sont] scolarisés ». « Pourquoi ne pas avoir dit dès le début que les 60 000 postes serviraient à absorber cette pression démographique ? », regrette dans l’article Jean-Rémi Girard, du syndicat Snalc.
« Ils n’arriveront pas au 60 000 promis », dit un autre enseignant syndicaliste. « On fera les comptes à la fin », tempère le Snuipp, « mais nous alertons : il faut absolument augmenter la cadence si on veut se donner une chance d’y arriver ».
C’est donc une double page à lire dans Libération.
La main en visière, voyez-vous venir le pic de pollution ?
« Les pics de pollution touchent davantage les ménages modestes », c’est le titre d’un article de La Croix aujourd’hui, qui évoque une étude scientifique publiée avant-hier, selon laquelle à Paris c’est le centre qui est le plus touché par la pollution atmosphérique, en particulier le long des Grands boulevards et des quais de Seine.
« Globalement ce sont des Parisiens plutôt aisés qui habitent ces secteurs », lit-on dans l’article. Mais il y a une « surmortalité dans les catégories les plus défavorisées de la population lors des épisodes de pollution ». Pourquoi ? Parce que « si les plus aisés échappent à la pollution le temps des week-ends ou des vacances, ce n’est pas le cas des plus pauvres », écrit Emmanuelle Réju, la journaliste de La Croix. Et que « le lieu de travail des moins favorisés est souvent éloigné de leur domicile. Or le métro, le RER ou l’habitacle de la voiture sont des lieux très pollués ». Des études similaires sont en cours à Marseille, à Lyon et à Lille, nous dit-on.
Alors juste pour terminer, la revue de presse c’est aussi la confrontation improbable,
le voisinage des articles qui crée parfois une friction inattendue… C’est le cas ce matin
dans Le Parisien Aujourd’hui en France, avec en pages Société une brève à propos du « mystère levé sur la mort de Knut ». Vous vous rappelez de Knut l’ours blanc star du zoo de Berlin il y a quelques années ? Des photos de lui, petite boule de poils, faisaient des ravages sur internet. Il a eu le temps de grandir, mais il est mort soudainement en 2011, et donc on apprend qu’il a succombé à une « forme rare d’inflammation du cerveau », qui n’avait été jusqu’à présent diagnostiquée que chez l’homme et jamais chez un ours.
Or juste à côté de cet article, dans Le Parisien on trouve un article sur la mode des cheveux gris chez les jeunes. Et sur la fin possible de l’inquiétude du cheveu blanc… Celui-ci devenant donc quasimentà la mode…
Et voilà qu’on se prend à imaginer qu’il s’agit d’un hommage involontaire à l’ours blanc Knut et à sa mort humaine…
Peut-être que quand on referme le journal il faudrait laisser les articles se parler entre eux.
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