Notre garde-manger est-il genré ? C’est la question que se pose "Jésus", un magazine consacré à la nourriture.
La réponse, va être rapide. OUI, le rapport à la nourriture est différent selon que l’on soit un homme ou une femme. Le magazine cite plusieurs chiffres qui l’attestent. « Selon une étude de l’Insee de 2015, si le temps de préparation culinaire a fortement baissé ces trente dernières années, la répartition relative à l’alimentation elle n’a pas bougé : elle est de 54 minutes par jour pour les femmes contre 17 minutes pour les femmes. » Ce sont en effet principalement les femmes qui conservent la gestion quotidienne et la charge mentale de l’alimentation.
« L’idée fausse selon laquelle les hommes doivent manger plus de protéines que les femmes et en plus grande quantité continue d’avoir des répercussions sur la façon dont nous pensons devoir manger. » nous dit le magazine.
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Toujours selon la même étude de l’Insee sur l’Emploi du temps des français en 2015, les femmes consomment plus de végétaux, de produits laitiers, d’œufs, quand les hommes s’alimentent davantage à base de pâtes, de riz, de viande et de pain. Le magazine cite également une étude du Journal of applied psychology, qui a démontré que les femmes ont tendance à manger en moins grande quantité lorsqu’elles sont en présence d’hommes, quand ces derniers mangent eux plus quand ils sont en présences de femmes.
« Comble de cette alimentation différenciée, rapporte le magazine, la croyance tenace qui voudrait que la nourriture consommée pendant la grossesse détermine le sexe de l’enfant [...] régime sucré si vous souhaitez une fille et régime salé pour un garçon ».
Si la majeure partie du travail alimentaire est porté par les femmes, ce n’est pas pour autant qu’elles sont valorisées dans cette pratique. La pratique de la cuisine, quand elle est féminine, est davantage associée à une corvée domestique, alors qu’exercée par un homme, elle va revêtir un aspect artistique, innovant.
Dans un autre article du magazine Jésus, Olivier Roger auteur de La cuisine en spectacle (Editions Ina, novembre 2016), analyse notamment comment les programmes culinaires télévisés ont véhiculé cette différenciation. Dès les premières émissions dans les années 50, alors que les femmes sont traditionnellement associées à cette activité ménagère, elles sont reléguées au rôle de médiatrice, entre un chef, homme, et le public. Elle joue le rôle de la femme ingénue en cuisine, représentant la téléspectatrice, et sert donc à valoriser le chef « en admettant sa propre incapacité ». Raymond Olivier, le premier chef à devenir animateur d’une émission de cuisine comparaissait d’ailleurs « la cuisine masculine à un "art" et l’opposait à la cuisine "nourricière" de la femme ».
« La télévision est un miroir très déformant : on y voit beaucoup d’hommes cuisiner » nous dit Olivier Roger, alors que dans les années 60 et jusqu’à peu de temps « l’homme faisant la cuisine était de l’ordre de l’exception. […] Les hommes choisissent les occasions pour lesquelles, ils cuisinent tandis que la femme y est contrainte ».
« Le rapprochement des pratiques entre les hommes et les femmes intervient plus tard » nous dit l’auteur de La cuisine en spectacle, « même si l’on constate toujours dans les enquêtes, de très grandes différences, notamment suivant le milieu social ». Il conclut : « A la télévision, moins la cuisine est valorisante, plus est reste féminine ».
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