

Faut-il ou non démanteler la jungle de Calais ? Il n'y a pas de réponse simple à ce problème complexe, contrairement aux déclarations passées et à l'emporte pièce de certains responsables politiques.
Ce qu’il y a de cruel avec internet… c’est qu’à l’instar d’une version dégénérée de la maxime d’Anaxagore, rendue plus tard célèbre par Lavoisier… « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »… on pourrait dire des réseaux en 2016 que « rien ne se perd, rien ne s’oublie, tout se retrouve »…
Et comme, vous le savez, l’Histoire contemporaine a une fâcheuse tendance à bégayer – et que les mêmes causes produisent les mêmes effets… il est facile, presque trop facile de renvoyer en quelques clics les dirigeants actuels à leurs déclarations d’hier, et de prouver, dans une mécanique incessante et toujours fonctionnelle, l’extrême inconstance idéologique et l’extrême variabilité du degré d’indignation publique, selon que l’on soit aux responsabilités, ou dans l’opposition…
Ainsi en est-il de la jungle de Calais, dont une large partie doit être démantelée ce soir… et dans son édito intitulé « Souvenirs », Johan HUFNAGEL dans Libération se livre à cet exercice à la fois cruel et tellement aisé de la citation passée… ainsi, en 2009… une personne que vous reconnaîtrez peut-être déclarait-elle « Cacher ces camps que je ne saurai voir, ces visages que je ne saurai regarder, ces ombres qui nous rappellent les guerres d’ailleurs, ces déchets et ces abris de fortune qui révèlent un malheur s’ajoutant à la crise que nous traversons. Au-delà de la jungle, le choix est entre la civilisation et la sauvagerie. » L’auteur de ces lignes publiées dans Slate – et rapportées par Libé, donc – s’appelle (bien évidemment) François HOLLANDE. Alors que les causes ont produit les mêmes effets, on ne saurait trop lui conseiller, avant d’envoyer les bulldozers détruire une nouvelle fois la jungle, de relire ses propres mots et de choisir entre la civilisation et la sauvagerie.
Démanteler ou ne pas démanteler… y a-t-il une bonne solution pour Calais ?
C’est un débat évidemment très complexe… il est à la fois inenvisageable de laisser des personnes vivre dans un tel état de dénuement, de violence et d’insalubrité… pour autant l’Etat français n’a pas pour l’heure de solutions de relogement suffisantes…
« Personne n’est pour le maintien de la « jungle » de Calais. Personne ne peut souhaiter que perdure ce bidonville, où sont logés des réfugiés dans des conditions inhumaines, zone de non-droit où prolifèrent trafics, prostitution et violences. Il en va de la sécurité de ces enfants, femmes et hommes, proies fragiles de prédateurs en tout genre, écrit ce matin Isabelle de GAULMYN dans son édito dans La Croix. (…) Pourquoi donc, dès lors, s’indigner de cette évacuation ? »
La réponse à cette question, elle se retrouve formulée dans les mêmes termes, et dans plusieurs journaux : « on ne fait pas de politique au bulldozer », selon François GUENNOC, secrétaire de l’Auberge des Migrants, interrogé dans l’Humanité… C’est également ces termes exacts que reprennent les signataires de l’appel publié dans Médiapart : « Calais : on ne fait pas une politique au bulldozer ». Parce que, comme le disait François HOLLANDE en 2009 et comme le rappelle Libé, « dans un premier temps, ils seront moins nombreux. Mais ensuite, les mêmes causes produiront les mêmes effets et nous verrons surgir d’autres campements. »
Parce que, comme l’explique François GUENNOC : « les solutions offertes aujourd’hui sont insuffisantes en qualité et en quantité. Il n’y a que 300 places disponibles dans les camps en conteneurs installés par l’Etat, qui s’apprête à évacuer 3 450 personnes dans la zone sud du bidonville. (…) Quant aux départs vers les centres d’accueil et d’orientation, disséminés sur le territoire, ils se font au compte-gouttes, environ une centaine par semaine. »
Alors bien sûr, « l’ouverture du centre Jules Ferry pour accueillir les femmes et les enfants, la distribution d’environ 2000 repas par jour, la mise à disposition de douches, de points pour recharger les téléphones, c’est positif. Mais évacuer la zone sud (…) ne va pas améliorer le problème mais le disperser. (…) Certains migrants vont se réfugier dans des maisons vides à Calais, d’autres vont se cacher dans les bois, dans les dunes ou grossir d’autres camps de la région. (…) Cela ne fera qu’entraîner de la violence. »
Et à ce titre, vous pourrez lire l’édifiant reportage d’Haydée SABERAN publié dans Libération, un mois de journal de bord dans le camp de Calais, entre théâtre, peur au ventre et ratonnades, jour après jour… ou encore le papier de Raphaël PROUST dans l’Opinion qui explique, brièvement et implacablement, comment le trafic de migrants est devenu « l’activité criminelle à la plus forte croissance en Europe », selon Europol. Un trafic qui a vu « son chiffre d’affaires s’envoler, pour atteindre entre 3 et 6 milliards d’euros en 2015. (…) Un chiffre susceptible de doubler ou tripler si la crise persistait cette année. »
Pourquoi s’opposer au démantèlement au bulldozer de cette jungle dont personne ne veut ? Eh bien parce que, comme le conclut Isabelle de GAULMYN, « il n’y a pas, pour Calais, de solution miracle. Mais un travail patient de terrain, au cas par cas, avec tous les acteurs, qui permet que soit préservée la dignité des personnes aidées. »
Mais si on s’extrait de la mécanique du pire… les mêmes causes peuvent aussi produire les mêmes effets… pour le meilleur
Et c’est ce qu’explique très bien le pianiste David KADOUCH concernant les Victoires de la Musique Classique… qui se tiendront demain soir à Toulouse… comment remporter un trophée de meilleure révélation… il y en a deux en jeu, un pour un ou une instrumentiste, et pour un chanteur ou une chanteuse… comment cette Victoire va donner un coup d’accélérateur soudain à un début de carrière… « Ce n’est pas tant le prix en lui-même qui compte, confie David KADOUCH qui l’a remporté en 2010 à l’âge de 24 ans, que la diffusion qu’il va y avoir autour de votre prestation. Cette dernière va aider, ou pas, à grappiller quelques années dans la carrière. »
Quelques années et surtout une augmentation certaine du nombre de concerts… qui peuvent passer du simple au triple… Toutes ces informations proviennent du supplément culture du Figaro qui rappelle que l’âge moyen auquel un jeune artiste signe son premier contrat dans une maison de disques est 25 ans… Glenn GOULD en avait 22, Camille BERTHOLLET 16…
Pourquoi mon regard a-t-il été attiré ce matin par cet article me direz-vous… outre le fait que David KADOUCH est un interprète de génie... dont Matthieu CONQUET nous avait parlé ici même il y a quelques semaines… ce fut aussi pour une inclinaison naturelle… vers le titre : « Classique, les nouveaux chemins de la reconnaissance »… allez savoir pourquoi.
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