**C’est une photographie d’une sculpture de Marcel Duchamp connue sous le nom du Grand Verre * (1915-1923). Une photographie prise par Man Ray en 1920, et qui s’intitule Elevage de poussière et que l'on peut voir en ce moment au BAL, à Paris. * C’est une photographie énigmatique pour qui la découvre pour la première fois. Elle peut rappeler d’autres images, notamment celles de la cité antique de Palmyre, partiellement détruite. **

Cette photographie réalisée par Marcel Duchamp et Man Ray en 1920 qui s’intitule Elevage de poussière , c’est le point de départ de la réflexion que donne à voir David Campany dans l’exposition *Dust, Histoires de poussière, D’après Man Ray et Marcel Duchamp * que l’on peut voir en ce moment au Bal, près de la place de Clichy, à Paris.
Il s’agit d’une photographie d’une sculpture de Marcel Duchamp connue sous le nom du *Grand Verre * (1915-1923), prise par Man Ray en 1920.
Mais ce n’est pas le *Grand Verre * de Marcel Duchamp que l’on voit en observant cette photo au prime abord. On ne le reconnaît pas d’ailleurs, parce que la plaque de verre qui constitue la sculpture était recouverte d’une épaisse couche de poussière au moment où Man Ray l’a capturée.
Entre l’infiniment grand et l’infiniment petit
Cette photo, Elevage de poussière , elle ressemble aux photos satellites de la cité antique de Palmyre détruite par DAECH qui circulent dans les médias depuis l’été.
On dirait une image vue du ciel d’une terre désolée, d’un espace réduit en poussière, où l’on distingue encore vaguement quelques formes, quelques vestiges de constructions dévastées.
C’est ainsi que s’y réfère l’artiste française Sophie Ristelhueber dans son travail photographique sur les zones de conflits au Koweit et à Beyrouth que l’on pourra aussi voir en visitant l’exposition Dust . Elle voit dans l’*Elevage de poussière * de Marcel Duchamp et Man Ray *« une balade entre l’infiniment grand et l’infiniment petit » * qui déstabilise le spectateur. Pour elle, « c’est une bonne illustration de la relation que nous avons au monde. Nous disposons de moyens modernes pour tout voir, tout appréhender, mais en fait, nous ne voyons rien ».
**« La Terre vaine » ** du poèteT.S Eliot
David Company fait le lien entre *L’Elevage de poussière * et le poème de T.S Eliot (1888-1965) *The Waste Land * (1922 « La Terre vaine » , en français) dans le beau catalogue qui accompagne l’exposition. Cette image de Man Ray, comme les photos satellites de Palmyre après la destruction, apparaît comme un terrain vague. Et dans l’imaginaire littéraire et artistique européen, le terrain vague, c’est souvent le lieu de la peur et de l’anxiété. C’est cette *« Terre vaine » * qu’évoque T.S Eliot dans *The Waste Land * (1922) en écrivant : *« Je te montrerai quelque chose qui n’est, Ni ton ombre le matin marchant derrière toi, Ni ton ombre le soir venue à ta rencontre Je te montrerai ta peur dans une poignée de poussière ». * David Company rappelle aussi que T.S Eliot était un exilé, des Etats-Unis vers l’Angleterre. Dans cette perspective, le commissaire de l’exposition ajoute : « Migrer, c’est ne pas vivre dans sa propre poussière, et c’est avoir conscience de la poussière des autres, et de la poussière du temps ».
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