Caroline Deyns, Khosraw Mani, Hadrien Bels. Poétique de l'ennemi

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Une salle des machines construite à partir de tesselles, de fragments, traversée par des voyages dans les territoires de la mort, de la vie, de la violence, de New York à Kaboul en passant par l'Inde, et où l'on entend résonner la voix de Niki de Saint-Phalle, de Denis Diderot et d'Ernest Hemingway.

Avec
  • Caroline Deyns

Première partie. Entretien avec Caroline Deyns

Après Perdu, le jour où nous n’avons pas dansé, un roman consacré à la danseuse Isadora Duncan, Caroline Deyns s'attache avec Trencadis à la figure de la plasticienne Niki de Saint Phalle et continue de dessiner une œuvre mêlant littérature et biographie. Au cours de cet entretien, elle revient sur les circonstances de sa rencontre avec l'artiste, disparue en 2002.

Caroline Deyns : "C'était lors d'une exposition organisée par le MAMAC de Nice, un immense portrait d'elle a surgi devant moi. Sa beauté m’a stupéfaite. Comme la souffrance exprimée par son regard. On dirait une anarchiste sur le point de lancer une bombe. Je me suis rendue compte alors qu’il y avait une distorsion totale entre la gaieté féroce que dégagent ses Nanas et l'extrême douleur qui se dégage de ses autres œuvres. Je me suis demandé dans quelle mesure ces Nanas étaient trompeuses, menteuses, et tenté d’approcher sa face noire, dissonante, méconnue du grand public. A partir de là, la petite turbine de mon imagination s’est mis en route..."

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A propos de son travail, Caroline Deyns récuse le terme de biographie et s'en explique : "Le matériau biographique n'est qu'un squelette, à l'image de l’armature métallique à l’intérieur des Nanas. Mais cette armature biographique resterait figée dans le passé sans la fiction pour lui donner sa chair, sa corporéité, son revêtement, sa couleur, son mouvement, son émotion. De biographique, il n’y a dans ce roman que la chronologie des grands événements de sa vie que j’ai tenu à respecter. Mais à travers Niki de Saint Phalle, je voulais parler de mes propres préoccupations, celles qui motivent mon écriture : le féminisme, la féminité le vieillissement du corps, la difficulté pour une femme artiste à se faire une place dans un monde d’hommes."

  • Caroline Deyns, Trencadis, Quidam

Seconde partie. Entretien avec Khosraw Mani

Né et à grandi à Kaboul. Khosraw Mani est réfugié en France depuis 2015. Il est l’auteur de six romans dont deux sont traduits en français, Une petite vie (Intervalle, 2018) et La mort et son frère, qui vient de paraître, traduit du persan par Sabrina Nouri (Actes Sud). Un roman qui, s'il commence par la phrase "Paris est une fête", en référence à Ernest Hemingway, n'en est pas moins pour son auteur "le fruit d'un désespoir" quand à son arrivée en France, Khosraw Mani n'est plus capable de trouver dans quelle langue s'exprimer. La mort et son frère entraîne le lecteur en Afghanistan, ce pays qui a vu naître l'écrivain en 1987 et dont il dit "qu'il est un amalgame de tout et de rien, un territoire assurément, mais certainement pas un Etat-nation, et même pas un pays au sens moderne du terme." Plus précisément, l'écrivain revient sur sa perception de la ville où il a grandi :

Khosraw Mani : La mort et son frère est un roman sur l’étrangeté, qui est pour moi une des caractéristiques de Kaboul, une ville où tout est là mais où rien n'est là, et pour l'exilé que je suis devenu, située nulle part. Une ville paradoxale - à l’image du personnage principal, Khosh Khabar, dont le nom signifie Bonne nouvelle en persan, mais qui en fait n’apporte que des mauvaises nouvelles - coupée du monde. Peut-être même coupée de l’histoire depuis l'arrivée des moudjahidines puis des talibans dans les années 1990, une ville qui a connu la démocratie, les grandes manifestations, et où soudain des forces noires ont surgi, qui l'ont ramenée au Moyen Age. 

  • Khosraw Mani, La mort et son frère, Actes Sud
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Le caillou dans les poches

Romancier exceptionnel, essayiste hors pair, excellent diariste, Denis Diderot est l'un des plus grands auteurs français du XVIIIème siècle. C'est cet écrivain hors du commun que célèbrent les Mélanges littéraires et philosophiques, choisis et préfacés par Jean-Claude Bonnet et qui viennent de paraître au format poche.

JOUISSANCE ​​, s. f. (_Gram._​​​ _& Morale._​​) : Pourquoi rougis-tu d’entendre prononcer le nom d’une volupté, dont tu ne rougis pas d’éprouver l’attrait dans l’ombre de la nuit ? Ignores-tu quel est son but et ce que tu lui dois ? Crois-tu que ta mère eût exposé sa vie pour te la donner, si je n’avais pas attaché un charme inexprimable aux embrassements de son époux ? Tais-toi, malheureux, et songe que c’est le plaisir qui t’a tiré du néant.

  • Denis Diderot, Mélanges littéraires et philosophiques, Petite Bibliothèque Rivage Poche

Le message d'Hadrien Bels 

Autrefois, dans les paquebots et les cargos, de magnifiques transmetteurs d’ordres en cuivre faisaient résonner les instructions de la passerelle jusqu’aux entrailles du navire...

Je sais ce que tu te dis, que je suis un manipulateur. Mais lis mes interviews ! J’arrête pas de dire que c’est une fiction. Que "Je m’arrange avec le réel." J’en arrive à dire ce genre de conneries. Mais avoue que t’as changé quand même. T’étais la première à te foutre de la gueule des venants de la rue d’Aubagne et de Longchamp avec leurs vélos électriques, leur atelier de création de bijoux et leur panier bio. Il est passé où ton humour ? Et puis on s’en fout, c’est pas grave si t’es gentrifiée, tu restes belle ! Ok, maintenant tu as des rues "végétalisées" mais honnêtement t’es encore très loin de Bordeaux ou de Lyon, tu restes encore une vraie ville populaire, méditerranéenne, et bien bordélique. Allez, rappelle-moi Marseille, steuplé.

  • Hadrien Bels, Cinq dans tes yeux, L’Iconoclaste
À réécouter : Histoire de Marseille