

Une enquête socio-historique de Vanessa Codaccioni montre comment les procédures judiciaires d’exception s’institutionnalisent, en marge du droit commun, et s'installent dans la durée.
- Vanessa Codaccioni maîtresse de conférences au département de science politique de l'université Paris VIII et membre du laboratoire CRESPPA-CSU.
Dans un entretien à la BBC, publié le 22 janvier, le Premier ministre Manuel Valls a annoncé qu’il « faudrait que l’état d’urgence reste en place jusqu’à ce que Daech soit éradiqué ». Cinq jours plus tard, sans se prononcer, fort heureusement, sur cet horizon lointain, le Conseil d’Etat a n néanmoins rejeté le requête de suspension de l’état d’urgence déposée par la Ligue des droits de l’homme, au motif que cet état d’urgence ayant été promulgué par la loi ce n’est pas au juge administratif de statuer. Fait exceptionnel, un impressionnant collectif de 450 universitaires, dont de très nombreux juristes, avait appuyé le référé-liberté de la Ligue des droits de l’homme. Il leur reste désormais à se tourner, via une QPC, vers le Conseil Constitutionnel, qui seul est habilité à contrôler le législateur... Au mois d’octobre dernier, un mois avant les attentats de Paris et Saint-Denis, un livre paraissait au éditions du CNRS. Ses premières pages s’ouvrent sur la mise en évidence du rôle essentiel d’une institution, la Cour de sureté de l’état (créée en 1963 et supprimée en 1981) dans l’institutionnalisation de la justice d’exception. On peut dès la deuxième page y lire ceci : « Le cas de la Cour sûreté de l’Etat permet de saisir comment l’exception peut, progressivement, s’intégrer dans le système démocratique, mais aussi, plus généralement, permettre la diffusion de pratiques mobilisées dans des contextes plus ou moins sécuritaires et contre toute forme d’opposition ». L’auteure de ces lignes, Vanessa Codaccioni, est maître de conférence en sciences politiques à Paris 8 et elle n’imaginait pas un instant que quelques jours après la publication de son livre, Justice d’exception. L’Etat face aux crimes politiques et terroristes, des attentats frapperaient Paris et que, quelques heures plus tard, le président de la République déclarerait l’Etat d’urgence.

L'équipe
- Production
- Réalisation