« Cher Musée, pourquoi ne dis-tu rien ? » voilà en substance la question qui est posée aux institutions muséales. Un intense débat s’est ouvert sur la réaction des musées au mouvement « Black Lives Matter », devenu en quelques semaines le slogan universel de l’égalité des vies.
D’où vient cette interpellation ? D’abord d’un principe qui s’est affirmé et renforcé à l’ère numérique : le musée parle. Des conférences, des débats mais aussi des contenus vidéos, des podcasts, et une communication renforcée sur les réseaux sociaux, toute une série de propositions et d’interactions ont fait du musée une institution parlante. A ce titre, il est aujourd’hui critiqué pour son silence ou la timidité de sa voix.
Mais, partant de cette critique, la bonne nouvelle c’est qu’il existe une demande sociale à l’égard des musées, et elle ouvre la voie à une redéfinition de leur rôle dans le débat public. Voilà ma théorie.
Pour remonter le fil de cet demande d’engagement il faut prendre en compte les différences de réactions entre les musées face au mouvement « Black Lives Matter », comme le relève un article de Slate.
Certains, comme Le Louvre n’ont pas réagi, d’autres aux Etats-Unis ont rapidement publié des messages de soutien et de solidarité, la Tate à Londres mis en ligne des ressources autour des artistes noirs, le Muséum d’Histoire Naturelle et le musée de l’Homme ont fait remonter leur podcast « Nous les autres », le musée du Quai Branly à Paris une conférence de l'universitaire africain-américain Cornel West au moment de l’exposition « The Color Line », à Bordeaux le musée d’Aquitaine s’est engagé aux côté de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, d’autres encore, comme le Centre Pompidou ont affiché un fond noir au moment du « Blackout Tuesday » sur les réseaux sociaux.
Se dégage ainsi une émancipation à géométrie variable à l’égard de la « neutralité » des musées. Neutralité qui est aujourd’hui remise en cause. Le Conseil International des musées a notamment rappelé dans une tribune que les musées ne sont pas neutres, qu’ils ne sont pas séparés du contexte social, et que lorsqu’ils s’en séparent, ce silence n’est pas neutre « c’est un choix, le mauvais ».
La lettre d’une étudiante métisse à l’école du Louvre, postée sur son compte Instagram, a aussi beaucoup été reprise dans le réseau artistique, les blogs et les journaux spécialisés. Elle réfute « l’impartialité muséale » et s’en prend au silence ou à la tiédeur de messages de façades « entre votre action sociale potentielle dans le débat public et celle de L’Oréal, n’y aurait donc aucune différence ? » interroge-t-elle. Dans cette lettre, les musées français sont appelés au partage massifs de contenus et de ressources au sein d’une même plateforme, pour fournir, notamment à la jeunesse, des « outils d’autodéfense intellectuelle ».
A l’heure de la défiance généralisée, le musée incarne donc un point de référence. C’est le premier enseignement de cette polémique. Mais entre les réponses jugées faibles ou opportunistes et les absences de réponses taxées de déconnection, la parole du musée n’a pas encore trouver sa voix. Elle doit en outre s’inscrire dans une cohérence entre la programmation, le fonctionnement interne, et la communication. C’est un défi passionnant qui est lancé aux institutions, un de ces débats de « l’après » que l’on n'avait, semble-t-il, pas vu venir.
Par Mathilde Serrell
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