Comment le Coronavirus fait muter la culture

La faible fréquentation des cinémas ou des expositions en raison du coronavirus doit-elle inciter l'industrie culturelle à revoir son modèle économique ? Mathilde Serrell a sa théorie sur le sujet
La faible fréquentation des cinémas ou des expositions en raison du coronavirus doit-elle inciter l'industrie culturelle à revoir son modèle économique ? Mathilde Serrell a sa théorie sur le sujet ©AFP - Philippe LOPEZ
La faible fréquentation des cinémas ou des expositions en raison du coronavirus doit-elle inciter l'industrie culturelle à revoir son modèle économique ? Mathilde Serrell a sa théorie sur le sujet ©AFP - Philippe LOPEZ
La faible fréquentation des cinémas ou des expositions en raison du coronavirus doit-elle inciter l'industrie culturelle à revoir son modèle économique ? Mathilde Serrell a sa théorie sur le sujet ©AFP - Philippe LOPEZ
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Reports, annulations, fermetures temporaires : la vie culturelle se trouve elle aussi affectée par l’épidémie. Ce qui pourrait amener le marché culturel comme le marché économique à réfléchir.

En ce qui concerne la France, la culture est atteinte jusque dans la chair de son Ministre de tutelle, Franck Riester. Lequel est confiné jusqu’à nouvel ordre et dirige la rue de Valois en télé-travaillant. Grâce au monde merveilleux de l’info-virus-en-continu je peux vous préciser que le ministre a "mal à la tête" mais que "ça va". Quant à la culture, ou plutôt le système nerveux des industries culturelles, il est plus touché.

Effondrement de l'économie culturelle 

Ma théorie c’est que le COVID-19 pourrait amener le marché culturel, comme le marché économique, à réfléchir. 

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Faisons d’abord un point santé. En Italie, principal foyer de l’épidémie en Europe, toutes les salles de cinéma sont fermées depuis lundi, la grande exposition Raphaël à Rome n’aura duré que trois jours, et le tournage de Mission Impossible 7 à Venise vient d’être annulé.

En Chine, les cinémas sont désertés depuis décembre, et les professionnels du secteur estiment que les pertes financières sur l’ensemble de l’Asie s’élèvent déjà à deux milliards de dollars. On en ferait presque culpabiliser les morts et les malades.

En France les faire-parts attristés se multiplient. De grosses sorties cinéma comme La Daronne de Jean-Paul Salomé ou Pinocchio de Matteo Garrone ont été reportées. Et, selon Le Film Français, la fréquentation des salles a baissé d'environ 20 % le mois dernier. L’interdiction des rassemblements en espaces confinés est passée de 5000 à 1000 personnes, les tournées de Maître Gims ou du chanteur M sont décalées, le salon du Livre a été annulé, la fréquentation du Louvre, limitée.

Quant aux Etats-Unis, il n’y a pas que la sortie du prochain James Bond qui est impactée, c’est toute l’industrie hollywoodienne qui serait contaminée.

La panique, ennemie de l'industrie culturelle 

Cela étant dit, le ralentissement imposé par l’épidémie soulève quelques questions. On le sait, le premier effet secondaire du virus c’est la panique, et la montée de peurs irrationnelles. Mais c’est aussi la mise à jour de certains défauts systémiques et l’ouverture d’une phase de réévaluation.

En France, le PDG de Memento Films a récemment mis en alerte tout le secteur sur les dangers d’"une psychose générale qui pourrait avoir des conséquences désastreuses" appelant ses "confrères" à maintenir leurs sorties. Du côté des festivals et du Syndicat du spectacle musical et de variété, on chiffrait le coût des premières annulations à 250 millions d’euros.

Pour autant, cette phase de décélération invite à la réflexion. À Hollywood, cela aurait pour conséquence de réduire le volume de films sur la période 2021/2022 estiment certains experts. Mais cette production à la chaîne n’avait-elle pas eu justement pour effet de noyer un certain nombre de longs métrages, notamment les plus indépendants, et d’accélérer les turn-over ? C’est, en outre, le constat alarmant qu'ont fait des réalisateurs comme Park Chan-Wook ou Martin Scorsese.

Quant aux concerts, aux spectacles et aux festivals : si en France seuls les clubs et les petites ou moyennes salles peuvent rester ouverts, n’est-ce pas l’occasion de valoriser une autre échelle de diffusion ? Une expérience à jauge réduite mais démultipliée, plutôt que de grands raouts ? Idem concernant la massification des grandes expositions : ne faudrait-il pas se lancer dans de nouveaux dispositifs de fréquentation ? Qui sait, le virus n’aura peut-être pas seulement profité aux plateformes et à la digitalisation, il pourrait pousser l’industrie culturelle à changer de logiciel ?

par Mathilde Serrell

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