« Seuls mais ensemble », « à la fois présentielle et virtuelle », « en chaire et en code » : la fête de la musique, cette année, doit répondre à un certain nombre d’injonctions contradictoires, en raison des risques sanitaires.
De plus elle se tient dans cet entre deux où la plupart des festivals et des concerts ont été annulés / reportés, et où la crainte des attroupements se combine avec une volonté de rassemblement populaire. Résultat : cette édition 2020 sera celle de l’hybride. Voilà ma théorie.
Depuis la première en 1982, et aussi longtemps que je m’en souvienne, la fête de la musique était déjà un mix. Entre scène organisées et improvisées, pratiques amateurs dans les rues ou devant les bars, et concerts événements orchestrés par les institutions et les collectivités. Mais cette fois, les dispositifs imaginés pour répondre aux contraintes imposée par l'épidémie ont abouti à une sorte de Frankenstein du spectacle vivant. Un drôle de monstre qui pourrait bien servir de cobaye à des événements futurs.
Je ne me lancerai pas ici dans un recensement exhaustif, mais dans un jeu d’exemples caractéristiques de ces tentatives hybrides. Du côté du ministère de la Culture, c’est notamment le concert « augmenté » de Jean-Michel Jarre qui a été retenu. Cette performance musicale sera à la fois un show en direct depuis son studio diffusé en livestream sur Facebook et Youtube, et un show de son avatar en réalité virtuelle sur VRrOOm. Pour lui, les réalités virtuelles « peuvent être au spectacle vivant ce que l’avènement du cinéma a été au théâtre, un mode d’expression supplémentaire rendu possible grâce à de nouvelles techniques à une époque donnée ».
Au vrai, l'apparition du cinéma et des écrans au théâtre a donné forme à des projets gadgets comme à de grandes oeuvres mutantes à l’instar des spectacles de Julien Gosselin aux frontières de la littérature, du cinéma et de la scène. Né « sous Covid », le show de Jarre permettra donc d’explorer de nouvelles pistes pour les concerts. Réussi ou pas il marquera l’officialisation d’un territoire en devenir.
Devant un écran ou la tête dans un casque de réalité virtuelle, le public peut vivre individuellement une émotion partagée, mais ce projet « distanciation sociale compatible » ne peut se substituer à des joies collectives plus organiques et imprévues. Dans l’ADN de la fête de la musique figure également le principe de déambulation. Comment proposer ce type d’expériences en respectant les contraintes sanitaires ?
Certaines municipalités ont habilement répondu au problème. Objectif : se rassembler sans s’attrouper ! A Rennes, des concerts surprises seront organisés pendant toute la journée du 21 juin. Des rendez-vous impromptus sur lesquels on tombera au hasard. Du coup pas d’effet de masse, mais une série de performances un peu sauvages qui pourront réunir les passants à l’instant T tout en se produisant en live sur les réseaux sociaux. Une habile combinaison de réel et de virtuel.
L’itinérance est également un moyen de se réunir sans se regrouper. La tendance pour cette édition 2020 est donc aux chars qui permettront un peu partout aux groupes et DJ de se produire en mouvement sans rassemblements fixes. Et pour donner à l’événement une dimension plus participative, à Strasbourg des animateurs sur vélo-cargos se baladeront pour organiser çà et là des blind test et des karaokés.
Au fond, si l’hybridation est constitutive de la musique, il n’est pas inintéressant qu’elle s’engage aussi dans des performances plus hybrides. Je n’ai pas encore recensé de concours de chant en réalité virtuelle sur vélos-chars retransmis sur la plateforme Twitch, mais ça ne saurait tarder !
Par Mathilde Serrell
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