La deuxième première fois des Français au cinéma…

Studio 28 à Paris
Studio 28 à Paris ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN
Studio 28 à Paris ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN
Studio 28 à Paris ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN
Publicité

Ça y est, nous sommes à J-7. Plus qu’une semaine avant que le mercredi ne cesse d’être le jour de « non sortie » des films en salles. Depuis trois mois, une atmosphère pompéienne enveloppait les grandes affiches de films et les devantures de cinémas. Tout avait été laissé en suspend.

Le « De Gaulle » de Gabriel Le Bomin avec Lambert Wilson contemplait des files d’attente vides. L’enfant blonde, anorak rouge sur fond rose, qui emplissait l’affiche de « Benni » avait l’air de crier dans le désert. Les jours passants, les dates de sorties, toutes largement dépassées, n’en paraissaient que plus absurdes. 

Il y avait eu un monde des films de mars, d’avril ou de mai mais nous ne l’avions pas connu. Il n’en restait que quelques traces, quelques prémices avortés. L’hypothèse même de retourner, bientôt, voir un film dans une salle de cinéma, était quelque chose qu’il avait fallu apprendre à censurer. Histoire ne pas être déçu.

Publicité

Et soudain voilà que le bouton pause est désactivé. Une certaine fébrilité se propage. Par où commencer mercredi prochain ? Cette activité si commune hier, devient tout à coup exceptionnelle. Ma théorie, c’est qu’au-delà des pertes engendrées par ce temps d’arrêt, et en dépit de l’inquiétude que suscite la place grandie des plateformes, l’expérience de cette crise a « débanalisé » la sortie au cinéma. Le 22 juin les français vivront une « deuxième première fois ».

D’ailleurs ce fut une première dans l’histoire du cinéma, jamais depuis sa création en 1882, les lieux de projections n’avaient été fermés. Ce sera donc la première fois qu’ils rouvrent.

Mais qui aller voir en premier ? Quel lieu choisir pour cet événement devenu symbolique ? Noud sentirons-nous un peu différents, un peu débutants ? Et serons-nous à l’aise dans cette tenue ? - masque et gants ce n’est pas très sexy je vous l’accorde mais voilà qu’on se « prépare » pour aller au cinéma. 

Irons-nous seuls ou accompagnés à cette fête ? Et qui y aura-t-il d’ailleurs ? De Gaulle, revenu presque à temps pour fêter le 80e anniversaire de l'appel du 18 juin, mais aussi Marie Curie avec le biopic psychédélique de Marjane Satrapi, et même L'Ombre de Staline grâce au film d’Agnieszka Holland. On pourra flirter avec La Bonne Épouse de Martin Provost comme avec Les Filles de joie de Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich ; pleurer à nouveau pour l’Elephant Man de David Lynch et retomber sous le charme de Delphine Seyrig dans Les Lèvres rouges. Et pourquoi ne pas jouer la carte de la première fois « au carré » avec un documentaire « Mon nom est clitoris » qui retrace le chemin rarement formulé de 12 jeunes femmes vers la sexualité. Parmi toutes ces histoires potentielles et prometteuses, y aura-t-il une connexion particulière ? Un coup de foudre filmique? 

Tandis que certaines études montrent l’inquiétude des français à revenir dans les lieux culturels, et que d’autres soulignent l’accélération du phénomène des plateformes (63% des consommateurs de biens culturels déclarent consommer plus de films sur les Service de Vidéo à la demande qu’avant le confinement), cette histoire de remariage avec le cinéma pourrait sembler un peu naïve…

Mais il faut se souvenir que 2019 fut l’année de la plus haute fréquentation des cinémas depuis 53 ans. Le couple solide que forme français et salles obscures se retrouvera, non sans excitation, avec le sentiment de s’être de nouveau choisi.

L'équipe