La politique culturelle fait sa crise de la soixantaine

L'écrivain André Malraux, premier Ministre de la Culture
L'écrivain André Malraux, premier Ministre de la Culture ©AFP
L'écrivain André Malraux, premier Ministre de la Culture ©AFP
L'écrivain André Malraux, premier Ministre de la Culture ©AFP
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Le ministère de la Culture vient d’avoir 60 ans, c’était au mois de juillet, et il se pose des questions. C’est bien normal. Il se retourne sur ses fondamentaux : la démocratisation culturelle, l’auteur et l’acte de création, et il constate qu’il doit changer.

Le ministère de la Culture vient d’avoir 60 ans, c’était au mois de juillet, et il se pose des questions. C’est bien normal. Il se retourne sur ses fondamentaux : la démocratisation culturelle, l’auteur et l’acte de création, et il constate qu’il doit changer. Il a pris conseil, le rapport Racine, le rapport Bergé, et le voilà maintenant face à ses choix pour « une nouvelle vie » comme on dit en langage développement personnel.

Ma théorie c’est que la politique culturelle fait sa crise de la soixantaine ! 

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Le coup de blues de la soixantaine

Evidemment ça commence par un coup de blues. Le rapport Racine remis le 22 janvier dernier constatait une dégradation de la situation des artistes-auteurs. Et ce mercredi le ministre de la Culture Franck Riester annonçait publiquement le plan d’action qui en découlerait, assorti d’abord d’un mea culpa : « depuis des années, le ministère s'est concentré sur les questions d'éducation, de diffusion et de conservation, laissant trop souvent les artistes auteurs à la marge des politiques publiques » a-t-il déclaré.

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Comment montrer que les choses vont changer ? Avec un décret pour simplification de l'ouverture des droits sociaux, ainsi qu'une régularisation du régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs. Avec un conditionnement des aides publiques à la rémunération des auteurs dans les manifestations culturelles. Avec une réflexion sur le « contrat de commande » qui sera étudié par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, là où certains auteurs et autrices auraient voulu qu’il soit directement instauré. Avec un meilleur partage des profits issus de la création, mais sans statuer (à la place des acteurs de la discussion) sur le minimum garanti. Bref, une politique des premiers pas. 

Jugée au choix : trop flou, insuffisante, équilibriste ou au contraire significativement engagée envers les auteurs, la dite politique rencontre des appréciations diverses. C’est que cette crise de la soixantaine peut encore durer un certain temps, occasionner des disputes et perturber des habitudes, l’essentiel étant ne pas passer à côté de ses chances de transformation.

Il y a des gens qui changent de sexe à 60 ans, le ministère peut bien faire sa révolution. 

Soixante ans, l'âge de se réinventer ?

Justement c’est à une « révolution copernicienne » rien de moins qu’appelle de ses vœux le rapport Bergé remis cette semaine « pour un ministère de la Culture au service des créateurs, des arts et des droits humains ». Un ministère qui ne penserait pas la démocratisation culturelle en termes d’accès à une offre ou à des lieux, mais en termes de participation à la vie artistique et culturelle. La culture prenant au passage un rôle à la fois d’émancipation et d’unification. Dégageant l’horizon des possibles et nourrissant le sentiment d’appartenance au « commun ». Un dosage qu’il va falloir trouver… 

Soft Power
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Je ne vous détaillerai pas ici l’ensemble des 60 propositions, mais il s’agit d’instaurer à la fois un principe de droit et de santé culturelle, de renforcer le rôle des acteurs locaux et le soutien qui leur est accordé, de miser à fond sur l’éducation artistique et culturelle, d’ajouter « dire » aux quatre savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter et respecter autrui), de développer l’éveil à la culture des touts petits, de faire des artistes et des auteurs des départements les parrains et marraines des collèges et des lycées, de déployer des malles à lire, ou encore de promouvoir l’offre et l’éditorialisation de programmes culturels aux heures de grande écoute. Comme ce matin !

Reste à financer et organiser cette série de changements. Pour l’instant, du haut de ses 60 ans, le ministère de la Culture donne l'impression de secouer la tête, en rêvant à sa nouvelle jeunesse.

par Mathilde Serrell

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