Le Pass Culture, autopsie d’une fausse bonne idée

Une jeune femme observant une photographie dans un musée
Une jeune femme observant une photographie dans un musée ©Getty -  JGI/Tom Grill
Une jeune femme observant une photographie dans un musée ©Getty - JGI/Tom Grill
Une jeune femme observant une photographie dans un musée ©Getty - JGI/Tom Grill
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À mi-mandat, qu’est devenue la promesse phare d’un programme singulièrement dégarni sur le plan culturel ?

Le « pass culture » a atteint un stade si critique qu’il conviendrait de faire l’autopsie anticipée d’une fausse bonne idée. 

L’application censée accompagner le parcours culturel des 800 000 jeunes de 18 ans en leur offrant un crédit de 500 euros de dépenses dans des biens, activités ou pratiques culturelles, est toujours en phase d’expérimentation, mais elle cumule déjà beaucoup de défauts. Pour résumer : un mauvais concept, une mauvaise exécution, et de très mauvais résultats. Ma théorie c’est que « le jeune » à qui le pass est censé s’adresser l’a très bien compris.

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Comme l’a montré la récente enquête de Mediapart, les premiers résultats sont alarmants. Neuf mois après le début de l’expérimentation dans 14 départements français, seulement 25 000 jeunes se sont inscrits et ils n’ont dépensé en moyenne que 100 euros sur les 500. 

L’échec est d’autant plus cuisant que ce test ne s’est pas effectué à l’aveugle mais en poussant le téléchargement de l’application dans les départements concernés. 

Quant à la promesse d’initiation et d’ouverture à de nouveaux horizons culturels, là encore le bilan est plus que maigre, selon l’enquête de Mediapart « le livre arrive en tête des dépenses du pass mais se dirige surtout vers les classiques programmés dans le cadre scolaire, suivi de la musique, dont les trois quarts vont vers la plateforme de streaming Deezer ».

Seuls l’accompagnent et la médiation ouvrent à de nouvelles envies et sorties culturelles

C’est que le projet du pass pêche intrinsèquement en ce qu’il mise purement sur l’aspect financier là où,  l’échec de la gratuité le prouve, il n’y a que l’accompagnent et la médiation qui peuvent ouvrir à de nouvelles envies et sorties culturelles. La version italienne, le « bonus cultura » qui a inspiré le pass culture, l’a bien montré, puisque les dépenses se sont faites essentiellement sur les livres revendus ensuite au marché noir…

De plus, pour pouvoir trouver un jour les 400 millions d’euros de budget nécessaire à la mise en place du pass à l’échelle nationale, il a fallu, une fois les espoirs de financements privés abandonnés, compter sur les offres de partenaires. C’est à dire intégrer dans les crédits du pass, des propositions d’enseignes ou de groupes privés, qui ne sont pas facturées à l’état. Par exemple : en échange d’un nouveau public potentiel, tel ou tel propose un abonnement gratuit sur quelques mois. Mais le jeune n’est pas stupide : pourquoi dépenser ses crédits sur ce qui s’apparente en réalité à des promotions lambda.

Voilà pour l’aporie du concept et l’âpreté des résultats. Parlons maintenant de l’exécution. Elle montre les limites des bienfaits de la « Startup d’État ». Structure « agile » qui va accompagner des projets précis au sein des administrations.

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En l’occurrence, la Startup d’état dédiée au Pass a embauché Garandeau Consulting, entreprise privée qui a repris le chantier du pass en janvier 2018. Elle avait pour mission de développer l’outil et de trouver des financements privés. Au final, pas de financements, et des facturations exorbitantes au regard du résultat. Si à la fin de l’été seulement un million d’euros de dépenses culturelles des jeunes liées au pass étaient comptabilisées le budget 2019 prévu pour la mise en place du test s’élevait bien à 34 millions d’euros. Comment justifier un tel écart ?

Au vrai, le pass culture avait surtout pour lui d’obtenir de bons résultats lors des tests dits « quali » effectués auprès des futurs votants pendant la campagne présidentielle. 500 euros pour les jeunes et la culture qui dirait non ? C’est pourtant une impasse. Et il serait plus que temps de débrancher cette fausse bonne idée, dont même les principaux intéressés ne savent pas quoi faire.

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