Pour répondre à la crise du covid qui touche le secteur culturel, les pays européens la joue collectif. Preuve une fois n'est pas coutume que pour sortir de cette situation, l'hypothèse d'avancer seul est de plus en plus compliqué à imaginer pour le monde de la culture.
Même déconfinés, même promis à des vacances d’été, nous demeurons dans l’antichambre de « l’après ». Cet avenir qui se craint, se calcule, se pétrit d’hypothèses, se rêve aussi, se prophétise à l’envie et parfois s’expérimente déjà. Tournant ou parenthèse ? Inflexion positive ou négative ? Personne ne peut néanmoins dire ce que représentera cette crise dans l’histoire contemporaine.
Un élan de collectivité pour éviter le clap de fin ?
En revanche, des changements objectifs s’opèrent, et dans le monde de la culture comme ailleurs, un petit mot revient sans cesse, c’est le « collectif ». Au-delà de tous les espoirs de réinvention, de nouvelles structures et de nouvelles alliances ont fait - quoi qu’il en soit - leur apparition. Nul besoin de les escamoter de pessimisme ou de les encenser d’optimisme, elles sont là. Ce qui constitue un élément tangible de l’après. Voilà ma théorie.
Impossible de répertorier ici tous ces nouveaux collectifs de la culture, j’en citerai quelques-uns à l’échelle européenne.
En France, en début de semaine, naissait l’association CLAP (Cercle libre des attaché(e)s de presse de cinéma). Celle-ci regroupe les indépendants ou auto-entrepreneurs qui défendent et font connaître les films au quotidien. Ils et elles se sont retrouvé(e)s plus que jamais hors champ après la fermeture des cinémas le 14 mars dernier. Pas de sorties, pas de revenus.
Comme leurs homologues du spectacle vivant ou encore de la musique (qui se sont d’ailleurs regroupés dans une lettre adressée au président du nouveau Centre National de la Musique), les attachés de presse du cinéma se situent dans le « trou de la raquette » des aides. Et si jusqu’ici l’idée de s’organiser, effleurée depuis une dizaine d’années, ne se concrétisait pas, la crise aura eu un effet de super glu éclair. Le tout jeune CLAP représente désormais la quasi-totalité de la profession.
Redonner la parole aux “invisibles”
En Belgique, et toujours cette semaine, le CCMA, pour "Comité de concertation des métiers des musiques actuelles" a pris forme. Il regroupe tout un archipel de métiers et de travailleurs de la musique, organisateurs de concerts, artistes, musiciens, compositeurs, labels indépendants, managers, bookers, communicants, techniciens et techniciens-créatifs, tous laissés totalement exsangues par la crise.
En Italie, apparaissait dès le mois d’avril, la première association d’agents littéraires italiens. Elle réunit près d’une quarantaine d’agences associées et a pour but de défendre les intérêts communs de la profession et de consolider sa place dans les débats concernant l’avenir de l'édition et du droit d’auteur à l’échelle régionale, nationale, mais aussi internationale.
Ce ne sont là que quelques unes des nombreuses initiatives et organisations collectives qui ont maintenant pris place dans le paysage de la culture. Venant combler des interstices laissés vacants entre les grands regroupements syndicaux et associatifs traditionnels des arts et du spectacle.
Les 800 personnalités et talents de la culture qui ont interpellé à deux reprises le président Emmanuel Macron (d’abord sur l’oubli de la culture puis sur l’oubli de ses « invisibles ») constituent, elles aussi un nouvel interlocuteur transdisciplinaire et « trans-corporatiste » qui peut continuer à peser dans les débats.
Si nul ne peut présager du monde d’après, il apparaît nettement, qu’il devra faire avec ce nouvel élan collectif.
par Mathilde Serrell
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