Madonna, parfaite icône algorithmique

L'icône Madonna à un concert en novembre 2019
L'icône Madonna à un concert en novembre 2019 ©AFP - KEVIN MAZUR
L'icône Madonna à un concert en novembre 2019 ©AFP - KEVIN MAZUR
L'icône Madonna à un concert en novembre 2019 ©AFP - KEVIN MAZUR
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Ni son esthétique transgressive, ni son long règne sur la pop culture, ni l'influence qu'elle a exercée sur celle-ci n'expliquent la singularité de Madonna. Non, son principal talent consiste à être un agrégateur de contenus. Une convergence des luttes à elle seule. Mieux, un génie de la méréologie.

La résidence de Madonna à Paris, au Grand Rex, se poursuit encore quelques jours. Avec une jauge de 2800 places, ses concerts ne font pas partie des événements annulés pour cause d’épidémie de Coronavirus. La mesure concernant les rassemblements de plus de 5 000 personnes en milieu confiné, si Madonna avait fait Bercy ou le Stade de France, comme toutes les légendes de la pop culture, elle serait déjà repartie. Mais Madonna n’est pas comme toutes les légendes. 

À quoi cela tient-il exactement ? J’aurais tendance à évacuer les fausses pistes de la transgression, de l’influence sur la pop culture et la mode, ou encore celle de sa longévité créative. D’autres, comme David Bowie pour ne citer que lui, cochent déjà - et bien mieux - toutes ces cases. Non, Madonna, c’est plutôt un agrégateur de contenus. Un génie de la méréologie (c’est-à-dire des relations entre la partie et le tout). Voilà ma théorie. 

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Vous me direz, tous les artistes proposent, chacun à leur manière, et avec plus ou moins de magie, une concaténation d’influences et d’inspirations. Mais chez Madonna c’est là que se situe son principal talent. Sa puissance combinatoire atteint son paroxysme avec un album et une tournée comme Madame X. Identité plurielle qui permet d’agréger tous les personnages, tous les combats, toutes les provocs. 

La Madame X de Madonna est à la fois espionne borgne, danseuse, professeure, cheffe d’Etat, prisonnière, reine, nonne, sainte, mère et pute. Pour pousser la fluidité identitaire, elle aurait sans doute gagné à être aussi animale, végétale ou minérale mais ce sera pour la prochaine fois.  

Sur le plan des convictions, le grand mash-up est au rendez-vous. D’abord la citation de James Baldwin, auteur abondamment réédité, redécouvert et re-commenté ces dernières années. Notamment dans le mouvement Black Lives Matter contre les violences policières, ou plus largement dans les luttes antiracistes et intersectionnelles. Sur le rideau de scène Madonna affiche en lettrage tapuscrit ces mots de Baldwin : "Les artistes sont là pour questionner la paix." Ça fait réfléchir et ça rassemble, sans trop déranger non plus. 

Puis ce sera le combat contre les armes à feu avec God Control, ou le rêve américain transformé en cauchemar avec la protest song American Life qui avait valu à Madonna d’être bannie des radios américaines au moment de la guerre en Irak. Sans oublier ses nouvelles marottes comme la désintoxication aux smartphones qui devaient être déposés à l’entrée du show, ou ses engagements de toujours, comme son soutien au mouvement LGBT sur le grand final, I Rise. Bref, Madonna c’est la convergence des luttes à elle toute seule.  

En termes de tabous, on peut dire qu’elle aura su créer au fil de ses spectacles et de ses clips un véritable nuage de tags transgressifs combinant blasphème, ode à la masturbation féminine, sexualité plurielle et plaisirs SM. 

Enfin, la force du logiciel Madonna, c’est de repérer et d’agréger les talents internationaux. Au vrai, la valeur artistique de Madonna ne tient pas tant dans ce qui est produit au finale que dans sa capacité à faire tenir tous ces codes ensemble. Elle n'est meilleure qu'algorithme.

par Mathilde Serrell

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