Nouvelle présidence d'ARTE, vers une alternative numérique européenne

Bruno Patino
Bruno Patino ©AFP - DOMINIQUE FAGET
Bruno Patino ©AFP - DOMINIQUE FAGET
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Bruno Patino, directeur éditorial de la chaîne franco-allemande depuis 2015 a été désigné.

Le jeu des nominations, c’est un peu comme au football avec la composition des équipes : un plaisir de pronostics et un exercice de projections tactiques. Hier, les multiples conjectures qui animaient le « tout petit monde » médiatique autour de la nouvelle présidence d’ARTE France ont pris fin. C’est Bruno Patino, directeur éditorial de la chaîne franco-allemande depuis 2015, qui a été désigné. 

Si le suivi de cette campagne passionnait avant tout le milieu audiovisuel, les enjeux d’une chaîne comme ARTE relèvent de l’intérêt général. Il s’agit de la construction d’une Europe de la Culture et de l’affirmation d’un modèle alternatif, en pleine montée en puissance des plateformes Netflix et consorts. 

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L’enjeu pour le nouveau dirigeant est de combiner les deux enjeux, en portant l'Europe de la Culture à travers une plateforme alternative. Voilà ma théorie.

Bien sûr, en surface, ARTE c’est avant tout la chaîne qui a donné tort aux caricatures élitistes et raison à un projet éditorial ambitieux, sur le long terme.

A sa naissance en 1992, les railleries sont légion, comme dans ce sketch des Inconnus…

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Au final, conforme à ce que prédisait déjà le secrétaire d’Etat à la communication, Jean Noël Jeanneney en 1992 : ARTE s’est avérée « ni austère, ni ennuyeuse, ni guindée mais frivole, cocasse, drôle et même farfelue » tout en « élevant l’âme et l’esprit ». Le public a suivi avec une part d’audience qui a quasiment doublé ces dix dernières années : de 1,5 % en 2011 à 2,8 % aujourd’hui. Et pour ceux qui imaginent ce public en bobos parisiens, rappelons que la chaîne est regardée dans la France entière et à 42 % par les résidents des villes de moins de 50 000 habitants.

Mais l’enjeu de cette nomination ne se limite pas à ces considérations chiffrées. Pour installer le projet d’ARTE il a d’ailleurs précisément fallu s’en affranchir. Revenons donc à l’essentiel.

Si l’on remonte à la genèse d’ARTE, pour Association relative à la télévision européenne, nous sommes au milieu des années 80, le paysage audiovisuel français est en plein bouleversement avec l’arrivée d’opérateurs privés comme TF1 et Canal+. François Mitterrand, alors président de la République, veut renforcer le poids politique de l’Europe à travers la communication audiovisuelle et a l’idée de chaîne culturelle, éducative, à vocation européenne. 

Aujourd’hui, comme lors de sa création, ARTE fait face à un bouleversement du champ audiovisuel, ce ne sont pas les chaînes privées qui changent la donne mais les plateformes. Quant à l’enjeu d’une Europe de la Culture, il n’a jamais été aussi prégnant en pleine phase de redéfinition démocratique et de montée en parallèle des populismes. C’est au croisement de ces deux axes que la chaîne construit son avenir.

Par la défense des fictions européennes (particulièrement les séries) et des documentaires européens (notamment d’histoire et d’investigation), par la création très tôt d’une plateforme numérique qui aujourd’hui montre la voie en termes d’expérience utilisateur et de propositions beaucoup plus éditoriales qu’algorithmiques, ARTE est en position de construire cette Europe de la culture à travers un modèle non seulement concurrentiel mais alternatif aux plateformes. 

C’est tout l’enjeu des années à venir, qui dépasse les questions d’audimat, et qui pourrait inspirer un autre jeu de nomination, celui de la présidence de France Télévision le mois prochain.

À réécouter : 1992 : Création d’Arte
Brèves histoires de la culture
4 min

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