Stromae et La Manif Pour Tous, alors on ne danse plus ?

Capture d'écran du clip de Stromae
Capture d'écran du clip de Stromae
Capture d'écran du clip de Stromae
Capture d'écran du clip de Stromae
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Le 15 octobre 2019 La Théorie de Mathilde Serrell porte sur Stromae. Le chanteur belge pourrait porter plainte contre les organisateurs d'une manifestation anti-PMA qui ont utilisé son tube sans autorisation.

Alors que la loi sur la bioéthique sera soumise aujourd’hui au vote solennel de l’Assemblée Nationale, incluant un article qui ouvre la PMA à toutes les femmes, y compris les femmes célibataires et les couples de lesbiennes, les opposants à la PMA pour toutes vont devoir changer d’hymne. Exit le «Papaoutai » de Stromae…

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Le musicien belge envisage de porter plainte contre « l’utilisation et le détournement de sa chanson et de son message » comme l’a révélé l’émission « Quotidien ». Il rejoint ainsi la longue liste des artistes employés contre leur gré pour soutenir une démarche politique.

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Que ce soit le groupe Queen qui vient de faire retirer une vidéo de campagne de Donald Trump utilisant son « We Will Rock You », ou Neil Young, partisan de Bernie Sanders qui s’était insurgé contre la diffusion de sa chanson "Rockin' In The Free World" dans un meeting du même Donald Trump, ou encore le groupe M83 se découvrant je cite « avec horreur » dans un clip de campagne du Front National en 2012.

Mais dans ce domaine, s’il est assez simple de se défendre sur le plan du droit d’auteur, concernant le droit moral, la situation est plus ambiguë. C’est ma théorie.

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Évidemment quoi de mieux qu’un hymne lancé à plein volume pour galvaniser les foules dans un rassemblement politique ? On peut même parler « d’emblème sonore » pour reprendre une terminologie développée par l’historien culturel Pascal Ory. Un morceau emblématique au sens grec du terme sera toujours un « placage », c’est à dire une façon de placarder des convictions sur une musique. Le problème c’est que cet affichage entre parfois en contradiction avec le sens même de la musique utilisée ou avec les convictions de son auteur. C’est en outre ce qui vient de se passer avec le « Papaoutai » de Stromae.

Le 27 septembre dernier, son tube retentissait donc pour accompagner les prises de parole en fanfare des opposants à la PMA pour toutes. Hashtag #Marchonsenfants, le mouvement dit de la « manif pour tous » qui défend un schéma familial strictement composé d’un père et d’une mère, voyait dans cette chanson un écho à son message et le moyen de s’offrir un coup de Pop.

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Le père de Stromae assassiné lors du génocide Rwandais

Seulement, Stromae a composé cette chanson pour évoquer le père absent qu’il a longtemps cherché et dont il n’a appris qu’à l'âge de douze ans son assassinat lors du génocide Rwandais. L’information étant connue et diffusée par la presse, il est contraire à l’éthique, et somme toute assez dégoûtant de détourner le sens de « Papaoutai » pour en faire un hymne contre les familles « sans père » engendrées par l’ouverture de la PMA.

Le droit moral protège d’ailleurs l’esprit de l’œuvre et le contexte dans lequel l’artiste désire la voir diffuser. Mais se pose néanmoins la question suivante : qui donne un sens à une chanson, celui qui la compose ou celui qui l’écoute ? Et dans le cas d’œuvres polysémiques ou équivoques comment trancher ? Le contre-sens doit-il être censuré ?

Dans cette affaire, reste que les militants de la manif pour tous sont quoi qu’il en soit hors la loi. Puisqu’ils n’ont pas fait de demande d’”autorisation pour une manifestation avec de la musique en fond sonore” à la SACEM (la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique). Moralité on ne force pas le contre-sens.

Si la culture populaire sert à vendre tout et n’importe quoi, elle peut compter sur l’antivol du droit d’auteur pour la sauver en cas de fraude morale.