

Le problème des politiques climatiques tient en partie au décalage temporel entre les décisions et leurs effets. Mais ce décalage est peut-être moins important que ce qu'on pensait.
Je vous ai beaucoup parlé de diplomatie climatique ces jours-ci. Et pour cause : entre la journée mondiale pour le climat, le sommet européen de Bruxelles, le bilan du Programme des Nations Unies pour l’Environnement et le 5e anniversaire de l’accord de Paris, il y avait de quoi faire.
De quoi faire…et de quoi déprimer par la même occasion. J’évoquais hier la difficulté qui consiste à atteindre les objectifs que l’on s’est fixé, et par conséquent le caractère potentiellement contre-productif consistant à en fixer de nouveaux encore plus ambitieux. Mais le fait est que 5 ans après la COP21, la communauté internationale est encore loin d’avoir atteint ceux qu’elle visait et qui paraissent aujourd’hui, avec le recul, beaucoup trop raisonnables.
Le voilà le grand problème de la cause climatique : celui de la confrontation temporelle entre le passé, le présent et l’avenir. Le réchauffement dont on parle (3 à 4 degrés en plus d’ici la fin du siècle) se déroule sur un temps extrêmement court si on l’observe d’un point de vue géologique, mais extrêmement long à l’échelle d’une vie humaine. Vous qui nous écoutez ce matin, vous ne serez pas très nombreux à être en mesure de vérifier, en 2100, si les prévisions de 2020 étaient un peu trop ou pas assez alarmistes.
Par conséquent, il nous est très difficile, collectivement, de prendre les bonnes décisions en faveur de l’avenir. Vous avez beau avoir des enfants, et imaginer ceux qu’ils auront à leur tour, comment faire psychologiquement pour se projeter dans un futur dont on ne fera pas partie, et prendre, en conséquence, les bonnes décisions dès aujourd’hui ? Tout le monde n’a pas l’abnégation des bâtisseurs de cathédrales ou des planteurs de chênes.
D’autant que les effets directs de ces bonnes décisions sont eux aussi décalés dans le temps. Ce n’est pas parce que vous réduisez vos émissions de gaz à effet de serre que le climat va automatiquement arrêter de se réchauffer. Si vous êtes Président, vous ne pouvez pas dire ‘’je vais inverser la courbe des températures d’ici la fin du quinquennat’’ : ça ne marche déjà pas pour le chômage, encore moins pour le climat.
La faute au stock des différents gaz présents dans l’atmosphère. Selon leur composition, ils mettent plus ou moins de temps à disparaitre. Le CO2, celui que l’humanité produit en plus grande quantité depuis la révolution industrielle, a une durée de vie d’environ un siècle. Comme l’écrit l’économiste Christian de Perthuis dans son livre ‘’Le tic-tac de l’horloge climatique’’ (De Boeck), ‘’le sentiment d’être en retard dans la bataille pour le climat n’est donc pas prêt de refluer’’.
Vous allez me dire : elle est où, la bonne nouvelle ? Elle arrive.
La revue britannique Nature Climate Change vient en effet de publier une étude qui remet en partie en cause ce que l’on croyait savoir. Selon ses auteurs, une réduction forte et immédiate des émissions de gaz à effet de serre aurait un effet substantiel sur le réchauffement au cours des 20 prochaines années, effets observables donc à l’échelle d’une vie, et non pas seulement au bénéfice des générations futures. Les chercheurs ont obtenu ce résultat à partir de nouvelles modélisations. Ils en déduisent que le risque de connaitre des épisodes répétés de fortes chaleurs serait ainsi 13 fois plus faible avec des réductions d’émissions rapides et importantes. Autrement dit, en dépit de l’inertie du système climatique, le scénario des 20 prochaines années n’est pas encore écrit.
Ca n’a l’air de rien, mais avoir la possibilité de mesurer concrètement le résultat de ses efforts, quitte à attendre quelques années, c’est déjà une belle avancée. Et cela peut être un déclic utile pour encourager à l’action. Si vous êtes Président, ça ne se verra peut-être pas à l’échelle d’un quinquennat, mais du moins pourrez-vous vous en prévaloir auprès de vos successeurs.
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