Affaire Grande-Synthe : historique... ou presque

pour la 1ère fois, le Conseil d'Etat vient de rendre une décision dans une affaire climatique
pour la 1ère fois, le Conseil d'Etat vient de rendre une décision dans une affaire climatique ©Getty - Ulf Wittrock / EyeEm
pour la 1ère fois, le Conseil d'Etat vient de rendre une décision dans une affaire climatique ©Getty - Ulf Wittrock / EyeEm
pour la 1ère fois, le Conseil d'Etat vient de rendre une décision dans une affaire climatique ©Getty - Ulf Wittrock / EyeEm
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Le Conseil d'Etat statuait pour la 1ère fois hier dans une affaire climatique. Il donne 3 mois à l'Etat pour apporter la preuve de ses engagements pour le climat. Mais ça n'en fait pas pour autant une décision historique.

J’ai souvent eu l’occasion dans cette chronique de vous parler de contentieux climatique : sujet assez austère au premier abord, a fortiori quand on n’a pas fait d’études de droit (ce qui est mon cas). Mais impossible de s’intéresser à la transition écologique sans suivre de près cette actualité, de plus en plus fournie et intéressante. Car les contentieux ont un impact politique : dans de nombreux cas, les plaignants ont recours au droit pour faire pression sur les gouvernements et les pousser à agir.

Toute la difficulté réside dans la restitution et l’interprétation des décisions qui sont prises, a fortiori quand elles manquent de clarté. Et ce qui s’est passé hier en est un assez bon exemple.

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Le Conseil d’Etat se prononçait donc sur l’affaire Grande-Synthe, du nom de cette commune de la banlieue de Dunkerque, bâtie sur le littoral de la mer du Nord, et par conséquent exposée à la montée des eaux. C’est cette menace, et l’absence de prise en compte suffisante de celle-ci, qui ont conduit la commune et son maire à saisir la plus haute juridiction administrative, pour exiger de l’Etat qu’il respecte ses engagements pris à la suite de l’accord de Paris, à savoir la réduction de 40% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, et qu’il prenne des décisions en urgence.

Lorsqu’on lit le communiqué publié hier matin par le Conseil d’Etat, la cause semble entendue. D’une part, la requête de Grande-Synthe est jugée ‘’recevable’’. D’autre part, la juridiction constate que sur la période allant de 2015 à 2018, la France n’a pas suffisamment réduit ses émissions de CO2. Enfin, elle demande au gouvernement de lui fournir, d’ici 3 mois, les éléments d’information lui permettant d’évaluer la sincérité de ses engagements

Bref, le Conseil d’Etat semble donner raison aux plaignants. Du coup, les ONG crient victoire. ‘’Décision historique pour le climat’’ s’enthousiasme par exemple le collectif de l’Affaire du siècle, à l’origine d’un autre recours : ‘’l’Etat doit respecter ses engagements’’, il ‘’devra également justifier des moyens qu’il met en œuvre pour atteindre ces objectifs’’. Historique donc.

Sauf qu’il n’est pas dit que l’histoire du contentieux climatique retienne longtemps cette date du 19 novembre 2020. Car si on s’intéresse, non plus au communiqué du Conseil d’Etat, mais au texte de la décision dans son détail, la tonalité est assez différente.

La juridiction estime ainsi que les préconisations de l’accord de Paris sur le climat ‘’sont dépourvues d’effet direct’’ : leur non-respect ne peut donc pas être opposé au gouvernement. Par ailleurs, la demande de Grande-Synthe tendant à ‘’rendre obligatoire la priorité climatique’’ et à ‘’mettre en œuvre des mesures d’adaptation immédiate au changement climatique’’ est rejetée : en l’état, le Conseil d’Etat ne statue pas sur ce sujet, qui semble relever de la seule décision politique.

Cela ne veut pas dire que ce qui s’est passé hier au Conseil d’Etat n’est pas important, mais qu’on ne le sait pas encore. Comme le dit la juriste Martha Torre-Schaub dans l’Obs, ‘’tout ceci est encourageant mais il est encore un peu tôt pour parler d’une révolution juridique’’.

Le gouvernement a trois mois pour apporter la preuve que sa politique est conforme à ses engagements climatiques. Si le Conseil d’Etat considère, passé ce délai, que ce n’est pas le cas, il faudra voir alors ce que signifie concrètement sa décision. Bref, rien n’est encore joué.

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