Back in the USSR

l'histoire de l'URSS nous renseigne sur la capacité des sociétés à changer de voie rapidement
l'histoire de l'URSS nous renseigne sur la capacité des sociétés à changer de voie rapidement ©Getty - agustavop
l'histoire de l'URSS nous renseigne sur la capacité des sociétés à changer de voie rapidement ©Getty - agustavop
l'histoire de l'URSS nous renseigne sur la capacité des sociétés à changer de voie rapidement ©Getty - agustavop
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La transition écologique semble parfois insurmontable, du fait des pesanteurs des systèmes en place. L'Histoire nous renseigne néanmoins sur la capacité des sociétés à digérer rapidement les changements structurels.

Le 1er mars 1953, Joseph Staline est victime d’une attaque cérébrale dans sa datcha, près de Moscou. Il faudra plusieurs heures pour que le personnel de sécurité, intrigué par le silence qui règne dans les appartements du dictateur, ose intervenir. Quelques heures encore pour que celui qui cumule alors tous les pouvoirs en URSS succombe après un dernier sursaut, et soit officiellement déclaré mort. Et quelques jours seulement pour que le pays entame la phase de déstalinisation.

Dans la biographie qu’il lui consacre chez Belin, sobrement intitulée ‘’Staline’’, l’historien russe Oleg Khlevniuk revient sur cette période de transition, étonnamment courte, qui vit l’Union soviétique engager des réformes politiques et économiques radicales, sans rompre certes avec le communisme, mais en opposition très nette avec ce que le ‘’petit père des peuples’’ avait fait subir à cet immense pays, en particulier à ses paysans.

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’Des chantiers de construction démesurés furent abandonnés, et l’on mit un frein à la course aux armements qui pesait si lourdement sur l’économie du pays. Les ressources ainsi dégagées furent directement injectées dans le secteur agricole en crise et consacrées à améliorer le quotidien des Soviétiques. Les effets de ces mesures furent immédiats : la production agricole redémarra et le cheptel augmenta rapidement…’’

Vous me voyez venir ? Je vous arrête tout de suite. Il ne s’agit absolument pas de comparer ce que fut l’extrême brutalité du stalinisme avec la violence de notre monde néolibéral (je n’ai jamais très bien compris d’ailleurs à quoi faisait référence le néolibéralisme), ni de faire un parallèle entre la transition qui fut opérée à l’époque et celle qui nécessiterait d’être menée aujourd’hui.

Mais ce qui est intéressant, c’est de voir comment une société parvint à digérer, en un temps record, une réorientation radicale de ses politiques publiques, et comment un système qui paraissait figé a pu changer de cap, et le faire au bénéfice de la majorité. C’est donc possible.

L’histoire de l’URSS est d’ailleurs intéressante pour observer la résilience (autre terme bizarroïde) des sociétés confrontées à un basculement. Ce fut encore le cas en 1991, au moment de l’éclatement du pays. Dans un article intitulé '' La collapsologie à l'épreuve de la réalité'' et publié sur le (décidément excellent) site The Conversation, le chercheur Eric Martel fait le parallèle entre ce que nous vivons aujourd’hui face à la perspective (discutable) d’un effondrement, et ce que vivait ce pays avant sa dislocation. 

’Les Soviétiques comprenaient parfaitement dans quel état de délabrement étaient les institutions de leur pays. Ils savaient également que leurs dirigeants ne contrôlaient plus réellement la situation’’ mais, ‘’bien que conscients des nombreux dysfonctionnements de leur système, ils étaient alors tellement intégrés à celui-ci qu’ils étaient incapables d’envisager une alternative’’. Pourtant, ‘’à la disparition de l’Union soviétique, les Russes ne furent pas surpris. Ce qui leur paraissait impensable auparavant était devenu parfaitement logique’’.

Là encore, il faut faire attention à l’abus de comparaisons, et ne pas oublier de rappeler que ce qui remplaça l’URSS n’avait rien du paradis qui peuplait l’imaginaire de nombreux soviétiques (on peut lire à ce propos la formidable ‘’Fin de l’homme rouge’’ de Svetlana Alexievitch).

Mais on peut en retenir la leçon suivante : une société peut rapidement basculer d’un modèle à un autre. Et ce qui parait impossible à un moment précis peut sembler naturel le moment d’après. Cela ne se fait pas toujours sans dégâts ; cela ne se fait pas toujours au profit d’un mieux-disant. Mais cela se fait.

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