

Chouette, la 4L revient !
Il y a 30 ans, la route qui mène au sommet du Puy-de-Dôme était encore ouverte à la circulation. Route aussi tortueuse que pentue, théâtre de duels épiques. Celui entre Poulidor et Anquetil en juillet 1964, lors du Tour de France. Celui, moins connu, entre mézigue et ma 4L lors d’une sortie avec des copains. Quiconque a déjà calé en pleine ascension avec derrière soi un concert de klaxons sait ce que signifie ‘’un grand moment de solitude’’.
Néanmoins, cette 4L, cadeau de mes parents, ma toute première voiture, finit par atteindre son but. Je n’aimais ni sa couleur, ni son allure, ni son absence de sophistication mais je n’ai jamais eu à me plaindre de sa robustesse. Et il semble bien que cet aspect de sa personnalité ait passé avec succès les épreuves du temps : depuis hier circule une vidéo sur Internet sur laquelle on voit un SUV, en Espagne, bloqué par la neige, incapable d’avancer, quand soudain arrive une 4L qui lentement mais surement, toute en légèreté, le dépasse, dans une version moderne et motorisée du lièvre et de la tortue.
Or voilà que Renault s’apprête à relancer la production de son mythique modèle, ainsi que celui d’un de ses autres grands succès : la R5. Selon l’agence Reuters, l’annonce devrait être faite ce jeudi à l’occasion de la présentation du plan stratégique du constructeur automobile. Une résurrection pas tout à fait à l’identique puisqu’il s’agira de voitures électriques : un œil dans le rétro, un autre dans le pare-brise.
La réédition d’anciens modèles n’est pas inédite dans ce secteur. 2007 vit le retour triomphal de la Fiat 500. 10 ans plus tôt, Volkswagen relançait la Coccinelle en la rebaptisant : nouveau succès, avec la New Beetle. La Mini-Cooper, elle, n’en finit plus de renaitre.
Ce goût du vintage ne touche pas seulement le secteur de l’automobile. Dans le domaine de l’habillement, le succès de la fripe rend des hommages permanents au monde d’avant. Les meubles de style scandinave ou en formica se négocient à prix d’or sur les sites de petites annonces et les stands de brocanteurs. ‘’Les Tontons flingueurs’’ et autres ‘’Bronzés font du ski’’ font les beaux soirs de l’audimat. Dans les diners branchés, on mange des topinambours.
Si les bars étaient ouverts, on pourrait s’accouder à un comptoir et en déduire que ce goût pour les objets du passé n’est rien d’autre que la recherche, non pas du confort, mais du réconfort. Ce sont des doudous pour les grands, les caresser du regard nous rassure d’autant plus que nous vivons dans un monde en perpétuel mouvement, en transition permanente.
Mais il me semble qu’il y a autre chose. Et je reviens à ma 4L, à sa robustesse et à sa modestie. Ce que nous dit le goût pour les objets iconiques du passé ne relève pas seulement de la nostalgie. Il renvoie aussi à une époque où les biens de grande consommation avaient pour première qualité leur solidité (du moins les marques en faisaient un argument de vente).
Le concept d’obsolescence programmée, bien que datant des années 30, était encore largement méconnu. La société de consommation n’avait pas encore mis au point le principe de la fusion, à savoir le passage de l’état solide à l’état liquide, qui fait que les objets nous filent constamment entre les doigts. La société liquide, c’est aussi celle décrite par le philosophe Zygmunt Bauman, à propos d’une société obsédée par le mouvement et la vitesse.
C’est pourquoi le retour de la 4L, a fortiori en version électrique (même si ce n’est pas la panacée) est une bonne nouvelle. Peut-être pas d’un point de vue esthétique (encore que tous les goûts sont dans la nature) mais parce qu’il est peut-être le signe d’une resolidification, un nouveau changement d’état de la matière. Et qu’il confirme l’adage populaire selon lequel c’est dans les vieux pots d’échappement qu’on fait les meilleures soupapes.
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