Mes bonnes résolutions vont-elles résister longtemps à l'épreuve du confinement ?
Le monde se divise en deux camps : ceux qui choisissent la bonne file aux caisses du supermarché, et les autres. J’appartiens à la deuxième catégorie. Encore qu’en ces temps d’épidémie de coronavirus, les frontières se brouillent entre ces deux mondes : faire ses courses est devenu, qu’on soit chanceux ou non, un sport de patience. Bison futé voit rouge ces jours-ci dans les linéaires.
Depuis que je m’essaie à la transition écologique, mon cerveau scanne automatiquement sur le tapis roulant tous les produits suremballés des clients qui me devancent, de la viande sous blister au pain de mie en sachet en passant par les barquettes de tomates sous plastique. Je profite du fait qu’ils me tournent le dos pour les envelopper de mon mépris.
Mais voilà que les mesures de confinement viennent perturber ma façon d’envisager les courses du samedi. Je me suis surpris à faire le décompte des commissions dans les autres caddies. Le type là, devant moi, avait-il vraiment besoin de tout acheter en double : son Perrier, ses biscottes, son café, son sopalin ? Seuls le thon en boîte et les mouchoirs en papier faisaient exception : il les a pris en triple !
On devient vite suspicieux à regarder comment se comportent les autres. Mais que font tous ces gens dehors ? Avec toutes ces provisions ? La bienveillance et l’entraide que nous promettent les collapsologues avaient peut-être un angle mort : le Covid 19.
Les survivalistes avaient-ils prévu qu’en cas d’effondrement, la ligne de front se situerait au rayon hygiène des supermarchés ? Le point Godwyn semble en tout cas avoir été atteint à proximité du papier toilette. Il parait qu’on s’y chamaille pour quelques rouleaux. J’ai pour ma part livré une bataille intérieure pour me limiter à un seul paquet. Pour compenser : une douzaine d’œufs (sachant que je n’en prends que six d’habitude).
Le besoin de compenser : c’est bien ce qui menace de faire valdinguer toutes mes bonnes résolutions. Ca n’a pas trainé : retour au rayon surgelés, non pas pour faire des stocks, mais parce que primo, c’est quand même très bon, même si c’est mauvais #résilience ; secundo il va falloir faire à manger midi et soir pendant un moment, alors (provisoirement, promis), redonnons sa chance à la bouffe industrielle.
Encore que, cette période de confinement va aussi être l’occasion de vider les placards à la maison. Y végètent depuis des mois des produits bizarres, de la polenta, du blé, de l’épeautre, des pois chiches, des pois cassés, toute une gamme de féculents achetés au retour des grandes vacances parce que c’était décidé, on allait la prendre à bras le corps cette transition. Oui mais ça se cuisine comment, la polenta ? Je sens que mes enfants vont adorer.
Ma fille prend un malin plaisir à me vieillir prématurément. Lorsque l’expression ‘’ok boomer’’ est apparue sur les réseaux sociaux (expression visant à tourner en dérision les réflexions des générations antérieures, en particulier sur les questions liées à l’environnement), elle s’en est emparée immédiatement, oubliant que JE NE SUIS PAS un baby-boomer !
C’est énervant mais c’est assez amusant de constater ce renversement générationnel : ce sont les enfants désormais qui font la leçon à leurs parents. Le rapport avec le confinement ? J’ai entendu plusieurs de mes semblables hier, en allant faire mon marché, appeler leur maman pour lui dire de bien rester au chaud à la maison, de ne plus embrasser personne "Mais puisque je te dis que c’est dangereux ! Et ben tu iras les voir plus tard tes copines…" et j’ai aussi entendu des mamans se retenir de répondre à leur grand garçon : "Ok boomer !"
Et pour tout vous dire, j’ai hâte de retrouver la foi dans le zéro déchets, le bio, le végétal, la sobriété, le café sans sucre, le pain sans sachet, parce qu’alors, cela voudra dire que nous serons sortis de ce moment si déplaisant à vivre, et serons tous de retour dans cette radio, qui me manque déjà.
par Hervé Gardette
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