

Les émissions de CO2 ont baissé de 8,7 % dans le monde pendant les quatre premiers mois de l'année, selon une étude publiée par la revue Nature Climate Change.
Je vous en ai déjà parlé dans cette chronique, les émissions de CO2 sont en forte baisse depuis le début de l'épidémie de coronavirus, et en particulier depuis les premières mesures de confinement en Chine.
Il n'était d'ailleurs pas besoin d'être un spécialiste de ces questions pour en avoir l'intuition : à partir du moment où une partie de l'activité économique est à l'arrêt, où les gens se déplacent moins sur les routes et dans les airs, la production de dioxyde de carbone est logiquement en diminution.
De la même manière, on comprend aisément que dès lors que l'activité reprend, les émissions repartent à la hausse, d'autant que les acteurs économiques sont tentés de ‘’rattraper le temps perdu’’. C'est ce qui avait été constaté après la crise financière il y a 10 ans. Au final, malgré la récession, les émissions mondiales de CO2 n'avaient baissé que de 1,3 % sur l'année 2009, avant de repartir en forte hausse l'année suivante, bien loin des objectifs que devait fixer plus tard l’accord de Paris sur le climat.
Tout l'enjeu des plans de relance à venir est donc de réussir à conjuguer la nécessaire reprise de l'activité économique avec la non moins nécessaire réduction des rejets carbonés. Or le confinement a justement permis de réaliser ce dont rêvent nombre de scientifiques : sortir des modèles théoriques pour mener des expérimentations à taille réelle, en l’occurrence à l’échelle de la planète, et observer comment les paramètres réagissent. Et c'est ce qui rend particulièrement intéressante l'étude que vient de publier la revue Nature Climate Change, consacrée à l'impact de l'épidémie sur les émissions de CO2 : ses données sont autant des indicateurs sur ce qui vient de se passer que des outils d'aide à la décision.
Que dit cette étude, qui couvre 69 pays et 97 % des émissions mondiales, et à laquelle a notamment participé Corinne Le Quérė, la présidente du Haut conseil français pour le climat ?
Et bien d’abord que depuis le début de l'année, et par rapport à la même période en 2019, les émissions mondiales de carbone ont baissé de 8,6 % ; ensuite qu'au plus fort du confinement, début avril, une baisse journalière de 17 % a été enregistrée ; enfin que le bilan annuel devrait se situer entre -4% et -7%, selon les modalités de sortie de crise et le maintien ou non de certaines restrictions (au passage, on remarquera que c'est aussi ce que pronostiquait il y a 3 semaines le site Carbon brief, en tablant sur une trajectoire médiane, à -5,5 %). (l'étude est résumée ici,
sur le site The Conversation)
Mais tout aussi intéressant, il y a la répartition de cette baisse en fonction des secteurs étudiés, à savoir le transport aérien, le transport terrestre et maritime, le bâtiment, l’industrie et la production d'énergie. Il apparait que c’est le transport routier qui a le plus fortement contribué à la baisse des émissions de CO2, ‘’avec une part de 43% dans la réduction globale’’. Une part qui double, à 86 % donc, si l’on ajoute les secteurs de l’industrie et celui de la production d’énergie.
D’après mes calculs, si le reste de l’année 2020 devait suivre la trajectoire des 4 premiers mois (qui n’ont pas tous été confinés), en reproduisant les mêmes contraintes sur ces secteurs (transport, industrie, énergie), et si le scénario devait se répéter ainsi jusqu’en 2030, et bien l’objectif de limiter la hausse globale des températures à 1,5°C (par rapport à l’ère pré-industrielle) serait atteint.
Evidemment, ça ne veut pas dire qu’il faut souhaiter que l’épidémie revienne chaque année pour nous obliger à purger notre bilan carbone. Mais ces indicateurs peuvent tout de même servir de base de discussion pour quantifier les efforts à produire : quelle part des contraintes du confinement sommes-nous prêts à revivre pour échapper à cette autre catastrophe en cours qu’est la crise climatique ? A quoi avons-nous renoncé pendant deux mois dont nous pourrions nous passer durablement ? C’est aussi de cette façon qu’il faut poser la question de la sortie de crise.
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